G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

lundi 8 septembre 2025

Ce qui n’est plus là

Bill Térébenthine

 

Toutes ces choses

que nous avons aimées

souvent excessivement

maintenant qu’elles ont passé

nous ne comprenons pas bien

ce qui suscitait des engouements

aussi passionnés

il reste quelques traces

une fumée qui se dissipe

comme diminue la tension

que généraient nos joies

intenses et éphémères

 

samedi 6 septembre 2025

Rentrée littéraire


 

Entendons-nous bien : je n’ai absolument rien contre Emmanuel Carrère, dont je reconnais et apprécie par moments le talent d’écrivain et qui ne parait pas foncièrement antipathique. Juste un peu énervant. Carrère n’est par ailleurs aucunement responsable de ce qui cause chez moi –et peut-être chez d’autres personnes dans le même cas – une forme particulière d’irritation. Par exemple, lorsqu’à l’occasion d’un entretien radiophonique, il glisse en aparté, sur le ton de la fausse confidence légèrement gênante : « J’ai la chance d’avoir eu une enfance heureuse. » Tant mieux pour toi, Ducon. C’est certain, il est beaucoup plus difficile de confier, sur le même ton : « Mon enfance a été très pénible, dans une famille pesante où j’étais un étranger. » Pourtant, je ne dois pas être un cas isolé. Mais cela ne se fait pas. Ceux qui n’ont pas eu de chance au tirage de la loterie de la naissance sont censés accepter sagement leur sort et prendre cette injustice radicale avec philosophie (stoïcisme ? nihilisme ? scepticisme ?). La structure inégalitaire de la société tend à récompenser ceux qui ont tiré le bon ticket au départ tandis que les autres doivent partir à l’assaut de la culture légitime par la face nord et s’estimer heureux, si la chance leur a un peu souri en cours de route, de ne pas avoir fini SDF. 

vendredi 5 septembre 2025

Adieu vieille voiture


 

Les français économisent. Ils sont inquiets. C’est le moment que j’ai choisi pour changer de voiture et troquer (c’est une image) le vieux Kangoo acquis en 2002 pour un modèle hybride bourré d’électronique. Les vendeurs contactés ont l’air fébrile. Ils ne voient pas beaucoup de clients potentiels et sont prêts à faire des efforts. Ce sera ma participation, en tant que boomer tardif, à l’effort de redressement de l’économie.

jeudi 4 septembre 2025

RENTREE GRADUELLE


 

Je somnolais sur mon fauteuil favori

toujours aussi fatigué

épuisé est le terme exact

j’ai beaucoup maigri

ça me va bien

mon IMC est à un poil

de basculer dans le sous-poids

mais le score affice « normal »

il y a des stylos un peu partout

dans la maison

mais tous sont HS

j’ai fini par en trouver un

en état de marche

c’est bon signe

j’ai commencé Les Détectives sauvages

j’en attendais un peu trop

je m’ennuie un peu

mais je vais continuer

cela ne demande aucun effort

exactement ce qu’il me faut

mercredi 3 septembre 2025

Version originale


 

J’ai retrouvé le passage dans La Presqu’île. C’est beaucoup mieux par Julien Gracq.

« La fin de journée va être belle », pensa Simon. Il se mit à siffloter, puis alluma une cigarette. Il abaissa la glacede la portière : un vent vif et battant, hilare, sauta dans la voiture et sembla la délester. Aussi brusquement qu’on ressent la faim, l’envie d’être déjà à Kergrit bondit en lui ; jamais fin de journée tardivement visitée par le soleil qui n’eût ét pour lui comme une promesse mystérieuse. « Ce sera l’heure du bain, pensa-t-il : la marée monte », et des images exultantes et claires se pressèrent dans son esprit en foule.

 

mardi 2 septembre 2025

Hommage à France Musique


 

France Musique est de loin la meilleure station de radio pour glander, méditer en regardant par la baie vitrée le soir qui descend lentement sur le jardin en cette fin d’été/début d’automne - ce passage fragile et plein de charme qui a longtemps été assombri par la rentrée scolaire et dont je peux enfin profiter pleinement. Je rêve parfois d’un monde où une grande majorité d’auditeurs resteraient branchés sur France Musique et où le son de la musique agirait de manière bienfaisante sur les consciences.

lundi 1 septembre 2025

Souvenirs de lectures


 

Que reste-il dans la mémoire de nos lectures passées au-delà d’un certain temps ? Dans mon cas, peu de choses : une impression d’ensemble, le souvenir de moments plus ou moins agréables (les meilleures expériences de lecture s’oublient rarement). Mais, s’agissant des romans et des nouvelles, il me revient relativement peu de scènes précises, de détails de descriptions ou de portraits. D’où l’intérêt de relire les livres qui ont compté, de s'y replonger. J’y pensais au sujet d’un texte de Julien Gracq intitulé La Presqu’île. Il est indiqué tout à la fin « achevé d’imprimer en février 1991 ». C’est probablement l’été de cette année-là ou peu de temps après que j’ai acquis le livre lors de vacances sur les lieux où se déroule le récit, en Bretagne. Le souvenir que j’ai conservé de cette lecture plus de 30 ans plus tard est comme une scène tirée d’un film. Un homme seul roule en voiture en direction de la côte. Il devine à certains détails du paysage (végétation, lumière, sensations diffuses) qu’il s'approche du rivage. La mer apparait soudain au détour d’un virage. L’homme gare son véhicule puis baisse la vitre pour laisser entrer l’air du large dans l’habitacle. Il allume une cigarette et se plonge alors dans la contemplation des vagues.

 

samedi 30 août 2025

Jésus et Lao-Tseu

 


Tandis que Hanta s'active sur sa presse mécanique, il découvre que Jésus et Lao-Tseu l'observe depuis un coin de sa cour envahie par les livre. "J'aperçus la réalité sanglante des symboles et des chiffres de Jésus, tandis que Lao-Tseu, enveloppé d'un suaire, montrait du doigt une poutre mal équarrie ; Jésus, je le vis en play-boy, Lao-Tseu en vieux garçon lâché par ses glandes, Jésus, d'une main impérieuse et d'un geste puissant, maudissait ses ennemis, Lao-Tseu  avait baissé les bras avec résignation, je vis Jésus en romantique, Lao-Tseu en classique, Jésus était le flux, Lao-Tseu le reflux, Jésus le printemps, Lao-Tseu l'hiver, Jésus l'amour efficace du prochain, Lao-Tseu le summum du vide, Jésus comme progressus ad futurum, Lao-Tseu regressus ad originem..."

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude