Le roman de Philip Roth se
déroule en 2004, l’année de la réélection de George W. Bush qui l’emporta face
au démocrate John Kerry. Le soir des élections, Zuckerman se trouve en compagnie
de Jamie et Billy, un jeune couple qui a voté Kerry et qui découvre, effondré,
le résultat. Voici comment Roth décrit la situation. « Ils avaient beau
être intelligents, savoir s’exprimer, et faire preuve de bonne éducation, et
Jamie avait beau connaître à fond l’Amérique riche des Républicains et le type
d’ignorance que produit le Texas, ils n’avaient pas la moindre idée de ce
qu’était la grande masse des Américains, et ils n’avaient jamais perçu si
clairement que ce n’étaient pas les gens instruits et cultivés comme eux qui
allaient décider du sort de l’Amérique mais les dizaines de millions de gens
différents d’eux qui venaient de donner à Bush pour la seconde fois l’occasion,
comme l’avait dit Billy, « de ruiner quelque chose de grand ». Qui a
dit que l’histoire ne se répétait pas ? Et qui a dit que lorsqu’elle le
faisait, c’était sous la forme d’une farce ?
samedi 2 août 2025
Un peu d'histoire
jeudi 31 juillet 2025
La dernière aventure de Nathan Zuckerman
C’est le dernier volume de la
série de romans avec le personnage Nathan Zuckerman, double romanesque de
Philip Roth. Dans Exit le fantôme,
Zuckerman a quelques années de plus que moi (quatre exactement) et il
n’est pas très en forme. C’est un écrivain célèbre qui a
choisi de quitter New York pour se retirer dans un coin perdu à l’écart de
tout. Je ne sais pas si cela correspondait exactement à sa situation au moment
où Roth écrivait ce livre et ce n’est pas très intéressant. Il se méfiait des
biographies (je l’ai lu dans un article du New
Yorker). Ce qui m’intéresse surtout, c’est la description d’un mode de vie : le retrait à l’écart du
monde, la vieillesse qui progresse, la solitude choisie, le sentiment de
liberté qui accompagne cet écart. Tout cela est très bien décrit par Philip
Roth dans ces pages.
mercredi 30 juillet 2025
L'imprévu et la planification
![]() |
Photographie : Brigitte Lacombe |
L’autre jour sur France Inter,
« une voix incontournable de la scène émergente » dont j’ai oublié le
nom chantait un refrain qui demandait « pourquoi tout est imprévu dans la
vie ? ». Quelques éléments biographiques sont rapidement venus étayer
ce constat assez vertigineux. Rencontres improbables débouchant sur des
relations qui durent ; choix aléatoires concernant les études, le travail,
le lieu d’habitation, etc. Puis j’ai pensé à l’attitude opposée, aux planificateurs,
ceux qu’on appelle les control freaks.
Philip Roth dresse dans Exit le fantôme
le portrait d’un voisin de Zuckerman qui incarne cette approche dans une
version radicalisée : il avait entièrement planifié le déroulement de son
existence à l’âge de 10 ans en notant dans un cahier ses projets qu’il a méthodiquement
réalisés, dans le bon ordre et en les cochant au fur et à mesure. Seule sa mort
qui l’a pris par surprise.
mardi 29 juillet 2025
Commencement
Bill Térébenthine dit que dans
ses dessins et ses peintures, il préfère les débuts, lorsque tout est ouvert,
plein de virtualités. C’est un peu la même chose lorsque je lis les premières
pages d’un livre et que celui-ci se présente bien. C’est le cas avec Exit le fantôme de Philip Roth. L’ouverture
est un modèle du genre, directe, implacable, parfaite. « Je n’étais pas retourné
à New York depuis onze ans. A part un bref séjour à Boston afin d’y subir
l’ablation de la prostate pour cause de cancer, j’étais, au cours de ces onze
années, à peine sorti de mon coin perdu dans les hauteurs des Berkshires et qui
plus est, depuis le 11-Septembre, il y a trois ans, j’avais rarement lu un
journal ou écouté les nouvelles ». C’est un plaisir de retrouver Roth, son
rythme, sa lucidité, son humour. Quand à la question de savoir pourquoi j’ai
envie de lire l’histoire d’un homme de 71 ans atteint d’un cancer, j’avoue ne
pas avoir d’explication. Il y a quelques années, le sujet m’aurait fait fuir. D’ailleurs,
j’avais évité de lire ce roman à sa sortie.
mardi 25 février 2025
Où est la frontière ?
J’ai envie d’évoquer un phénomène un peu fumeux, vaguement suspect du point de vue strictement rationaliste. Je veux parler des interrelations entre les fictions qu’on lit dans les romans et la vie dite « réelle ». Simon Axler, le personnage principal du roman de Roth, est un acteur qui ne joue plus parce qu’il en est devenu incapable. Je me suis mis à penser à acteur de théâtre et de cinéma que j’ai croisé vers la fin des années 2000. Il avait à peu près l’âge que j’ai aujourd’hui et sa carrière semblait derrière lui, ce qu’il n’avait pas l’air de réaliser. J’ai effectué une recherche et très vite appris qu’il était mort quelques mois auparavant. J’ai ensuite repris ma lecture en m’inquiétant de plus en plus pour Simon Axler qui venait de se faire larguer par la jeune femme grâce à laquelle il retrouvait goût à la vie. J’appréhende maintenant les dernières pages. Va-t-il se servir de ce fusil de chasse dont l’écrivain signale la présence avec insistance ?
vendredi 21 février 2025
Un roman "feel bad" ?
Les dernier livres de Philip Roth sont parfaitement efficaces pour, comme le dit le personnage principal du roman Le rabaissement, « regarder en face tout ce qui vous glace le sang ». C’est l’histoire d’un acteur dans la soixantaine qui tombe en rade. L’expression un peu datée peut être utilisée, nous dit l’IA, pour décrire une situation où quelque chose ne fonctionne pas correctement ou où une personne est dans une situation difficile. C’est exactement ce qui arrive à Simon Axler dans une version radicale : tout est fini pour lui, sa carrière, son talent, son couple, tout ce qui pouvait donner un sens à sa vie. Le thème peut paraitre déprimant en tant que pitch. Pourtant, la manière dont Roth en pleine possession de ses moyens creuse son sujet à travers des rencontres et des situations est jubilatoire. Cela s’appelle le style.