G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur: livres
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mercredi 18 juin 2025

Sur Nabokov

 


A la fin d’un article consacré à Nabokov, Martin Amis écrit : « L’essence nabokovienne est d’une instabilité miraculeusement fertile : sans crier gare, les mots se détachent du quotidien et s’élancent comme des fusées dans un ciel nocturne, illuminant des verstes* cachées de désir et de terreur. * Il s’agit d’une unité de distance ancienne utilisée notamment en Russie.

Pour illustrer son propos, Amis cite un passage de Lolita qui se passe de commentaires. « Nous  connûmes les divers types de revendeur de voiture, le criminel réformé, le professeur à la retraite et l’entrepreneur qui rate tout, chez les hommes ; et, chez les femmes, la maternelle, celle qui joue à la grande dame et toutes les variations de matrones. Parfois, les trains hurlaient dans la nuit monstrueusement chaude et humide avec un écho déchirant et sinistre, mélangeant pouvoir et hystérie dans un cri désespéré. »

jeudi 29 mai 2025

Aux derniers lecteurs

 

Il parait que les jeunes français lisent de moins en moins. Dommage pour eux. Ils ne connaîtront pas ce plaisir aristocratique : errer devant sa bibliothèque, s’emparer d’un livre sur une impulsion, l’ouvrir au hasard, comme je viens de le faire avec un livre de Cécile Guibert intitulé Pour Guy Debord. J’y puise quelques citations pour la journée.

Rimbaud : « Je songe à une Guerre, de droit ou de force, de logique bien imprévue. »

Godard : « Il y a la culture, qui est la règle, et il y a l’exception qui est de l’art. »

 Debord : « Le plus important est le plus caché. »


mardi 27 mai 2025

Signes annonciateurs


 Dans un roman du XIXème comme Pierre et Jean de Maupassant qui se trouve actuellement sur ma table de nuit, le récit est parsemé de signes annonçant les évènements dramatiques à venir. C’est l’occasion pour le spécialiste qui a préfacé le roman de semer des notes au fil du texte en soulignant les récurrences de certains mots, de certains thèmes et en pointant des détails annonciateurs dissimulés dans le décor. On peut trouver le procédé un peu lourd et, finalement, assez peu réaliste. Jusqu’au moment où on repense à des scènes passées qui ont suscité un malaise inexplicable à l’époque et qui aujourd’hui résonnent de manière troublante, maintenant qu’on connait la suite. Les signes avant-coureurs existent donc en dehors des romans. Hélas, le plus souvent, nous n’avons pas su (ou voulu) les détecter.

lundi 26 mai 2025

Questionnaire



(J’ai recopié des questions posées par le Point à Antoine De Caunes.)

Quel est le premier livre qui vous a marqué ?

On achève bien les chevaux d’Horace McCoy. Je l'ai toujours. Le livre trainait dans la chambre de ma grande sœur. Je me suis toujours demandé pourquoi vu qu’elle ne lisait pratiquement rien à part Salut les Copains.

La première séance de cinéma dont vous vous souvenez ?

Bonnie and Clyde au cinéma du village. C’était un évènement. Il y avait plein de voitures garées le long de la route, la salle était bondée. Une ambiance inoubliable et un film que je revois souvent.

Votre premier disque vinyle ou cassette ?

Format 45 tours : Love Like A Man de Ten Years After acheté à un grand du collège qui revendait ses disques.

Format 33 tours : Sticky Fingers. Un choc (et pas seulement à cause de la pochette de Warhol)

Votre série télé d'enfance ?

Belle et Sébastien

Aviez-vous des posters dans votre chambre ?

Plein, pour dissimuler le papier peint à fleurs. Mais je ne me souviens que d’un : l’affiche des Who « Maximum rythm & blues » qui était offerte dans la pochette de l’album Live At Leeds.

Vous vous occupiez comment, ado ?

Ecouter des disques, lire la presse musicale, rêvasser.

Vous écoutiez quoi ?

Les Who et les Stones, beaucoup. Et pas du tout les Beatles.

Un roman récent qui vous a marqué ?

Tiens ! C’est le même que De Caunes. J'écris l'Iliade, de Pierre Michon 

 

 

 

 


jeudi 22 mai 2025

Sollers, le lecteur


 Je feuillette mon exemplaire légèrement jauni de La Guerre du goût. A Paris, je lisais ses chroniques dans le Monde des livres installé à la terrasse d’un café, avant d’aller à ma leçon de conduite. Je me tenais immobile dans le bruit des voitures qui passaient sur le boulevard. Un peu de vent agitait les feuilles des arbres et je découvrais la poésie classique chinoise. Cette citation d’un poème de T’ao Yuan-Ming (365-427) a probablement dû m’enchanter.

Je lis la chronique des temps très anciens,

Je regarde les images du vaste monde.

Je dis oui à l’univers. Si cela n’est pas

Le bonheur, où donc est le bonheur ?

Aujourd’hui, c’est un passage d’une nouvelle de Scott Fitzgerald intitulée L’après-midi d’un écrivain qui a retenu mon attention :

« Il traversa la salle à manger et il entra dans son bureau, aveuglé, un instant, par l’éclat de ses deux mille livres, dans le coucher du soleil. Il était assez fatigué – il allait s’allonger pendant dix minutes, et puis il verrait s’il pouvait démarrer sur une idée dans les deux heures qui lui restaient avant le dîner. »

mercredi 14 mai 2025

Slogan


 « J’écris, c’est cela l’important. Non pas ce que j’ai écrit, mais le fait d’écrire en soi. » Je voulais développer un peu sur le thème de l’écriture à partir de cette citation d’Henry Miller et puis j’ai dérivé en ironisant sur les incitations à la lecture. Je reprends le fil. Cette phrase correspond à ce qui m’anime ici. J’ai d’ailleurs déjà dû formuler cette idée plusieurs fois dans les carnets. J’ai songé à la placer en exergue dans un coin du blog mais j’ai la flemme, et puis j’ai trouvé que ce serait prétentieux et ridicule. Pas de déclarations, des actes. Comme Dolly Parton qui, je l’ai appris en regardant un documentaire (sur Arte), a créé une fondation pour distribuer des livres aux enfants. C’est plus efficace que les discours sur les bienfaits de la lecture.



vendredi 9 mai 2025

La Grande Ourse


 Effet Michon ? Une irrésistible envie s’est emparée de moi : remonter du côté de Rimbaud, vers la Grande Ourse, en passant (et oui !) par Sollers, l’un de mes critiques littéraires favoris. J’ouvre La Guerre du goût. « C’est l’été. Je suis à Long Island. Je relis les Illuminations, le livre qui restera lorsque plus personne ne se souviendra de rien. » (Y sommes-nous ?) « En ce temps-là, seuls quelques rares passants pourrons se promener dans l’après-monde comme s’il s’agissait d’un volume ouvert à chaque moment. Je vois des phrases, des mots, les syllabes me guettent, on dirait que les signes palpitent comme ce qui fut autrefois paysage et tableau. J’éteins la télévision. » (Aujourd’hui, on dirait l’ordinateur ou le téléphone). C’est parti. Direction Rimbaud. Je prends puis repose le livre de poche de mes 17 ans. Les pages se détachent et menacent de s’envoler. Je me rabats sur un livre de lycée (Garnier-Flammarion) plus austère. 17 ans, c’était le bon âge pour lire Sensation et La Saison en enfer. Je compte sur mes doigts. Aucun doute, cela se passait en 1975. Ce qui confirmerait l’existence d’un pont temporel quantique avec ce que nous appelons aujourd’hui ?

mardi 6 mai 2025

Abondance

 

Avec Pierre Michon cuvée 2025, on a à la fois une écriture qualité supérieure et du sexe. Des pages lyriques pour décrire le remplissage d’une locomotive à vapeur lors d’une halte de nuit en rase campagne. Le bras de la citerne au-dessus de la locomotive dont le moteur tourne au ralenti en laissant échapper des bruits évocateurs devient alors, dans la prose fiévreuse de Michon, une métaphore excitante de l’acte sexuel. Des pages lubriques dans lesquelles le jeune narrateur s’abandonne dans un compartiment avec une brune qui jouit en criant Mamma Mia. On enchaine avec le vieil Homère rêvant de la très désirable Hélène, prostituée sublime, qualifiée de « chair à dieux ». Puis soudain, au détour d’un souvenir, on tombe sur cette phrase : « L’homme est une machine de guerre ; dès qu’il vous rencontre, il note avec soin les points faibles de votre citadelle. » Le reste est souvent de ce niveau. On pense à Salammbô plus d’une fois, ce qui donne une idée du niveau. On se prend à s’inquiéter pour les prochaines lectures qui risquent de paraître fadasses. Mais c’était déjà le cas avec Jim Thompson. Tous les bons livres, en fait.


mardi 1 avril 2025

Grand écrivain

Jim Thompson n’est pas seulement un auteur de la Série Noire. C’est également un écrivain punk avant l’heure et qui pousse très loin dans l’assaut contre les valeurs de la société de son temps - qui sont également les nôtres puisque rien n’a fondamentalement changé depuis les années cinquante. Heureusement que les censeurs de tous poils ne mettent pas leur nez dans ses romans. Mais il ne faut pas croire que Thompson se contente d’accumuler les provocations. C’est également un excellent scénariste ménageant des zones d’ombres, des surprises et des coups de théâtre autour des diverses morts violentes qui parsèment ses intrigues, dans la grande tradition du roman noir américain (ça, on garde).

 

 

samedi 25 janvier 2025

Lecture

 

Fargue évoque dans Le piéton de Paris les folles soirées du Bœuf sur le toit. Le jazz, Cocteau et sa bande, les mondains du Tout-Paris se pressant pour venir s’encanailler. Et puis, les femmes. « Les femmes qui lançaient les modes d’alors dansaient comme chez elle, le maquillage franc, le corps discrètement disponible. Ah ! s’exclame-t-il, si j’osais m’étendre sur quelques bonnes fortunes de ce bon temps. »

 

jeudi 23 janvier 2025


 

Comme dit la formule célèbre, à partir d’un certain âge on ne lit plus, on relit. Antoine Compagnon en a fait le sujet d’un cours au Collège de France. Bref, je suis arrivé à cet âge. Cela signifie que l’on se retrouve avec une assez grande bibliothèque (faire tenir tous les livres était un critère dans la recherche immobilière). Lorsqu’un livre est lu, on fouille dans les rayons à la recherche du prochain qui aura l’honneur de se trouver sur la table de nuit. On ouvre, on hume, on lit un passage ou deux, on remet en place et on recommence. Jusqu’au moment où le déclic se produit, entraînant l’envie d’entamer la lecture avec impatience. Cette fois, le choix s’est porté sur Le piéton de Paris de Léon-Paul Fargue à cause de la phrase suivante : « J’ai habité Passy autrefois, du temps que j’allais au lycée Janson. » Il se trouve que ce fut la même chose pour moi : même quartier, même lycée. Cela se passait en 1975. Nous aurons l’occasion d’en reparler ; je prévois en effet de commémorer ici l’année 75.

lundi 20 janvier 2025

Lu : L'Or de Blaise Cendrars

 

Cendrars c’est le bavard un peu éméché qui a toujours des histoires incroyables mais garanties authentiques à vous raconter. Le bar se vide, il va bientôt fermer. Mais rien ne peut interrompre Cendrars quand il est lancé, surtout s’il s’agit de l’épopée hallucinante du général Johann August Suter. Tout est excessif et démesuré chez ce personnage, ses succès grandioses comme ses ruines soudaines. Pressé par l’heure de la fermeture, Cendrars fait défiler le film en accéléré et sans temps mort. Ce qui ne l’empêche pas d’aligner des énumérations poétiques qui font rêver le lecteur à tous les coups. Avec Cendrars, on ne s’ennuie jamais.


jeudi 9 janvier 2025


 

Trouvé par hasard un texte de Burroughs sur le plagiat posté en juin 2006 sur le blog de Lucien Suel ACADEMIE 23. Je suis allé voir dans la bibliothèque s’il n’était pas inclus dans le volume des Essais publiés chez Bourgois. Je n’ai pas eu à chercher longtemps. Sur le blog, le texte s’appelle « Le Plagiat ». En parcourant le sommaire des Essais, j’ai rapidement repéré un titre, « Les voleurs », qui semblait correspondre. C’était lui dans une autre traduction (celle de Gérard-Georges Lemaire). Burroughs y défend le droit et même selon lui la nécessité, pour l’écrivain, d’emprunter des fragments un peu partout : conversations entendues, films, émissions, journaux, magazines, romans, etc. La démarche est résumé par Burroughs dans une délicieuse formule : « Tout appartient au voleur inspiré et consciencieux. »