mardi 7 octobre 2025
Pas le temps de m'occuper du gouvernement
lundi 29 septembre 2025
Journal de Matthieu Galey (suite)
Journal de Matthieu Galey (suite). Toujours bien écrit, vif,
rarement ennuyeux. Les scènes décrites et les portraits nous transportent dans
un monde dépaysant et politiquement agité au tournant des années 60. Les échos
de la guerre d’Algérie se font entendre. Un soir, au cours d’un dîner
littéraire, les débats virent à l’affrontement
entre invités de gauche et de droite. Conclusion : « Les opinions politiques
des littérateurs sont toujours déraisonnables, plus esthétiques ou morales que
fondées. Pour quel motif logique un écrivain gagne-petit se ferait-il le
champion des possédants ? Poésie pure... »
jeudi 4 septembre 2025
RENTREE GRADUELLE
Je somnolais sur mon fauteuil
favori
toujours aussi fatigué
épuisé est le terme exact
j’ai beaucoup maigri
ça me va bien
mon IMC est à un poil
de basculer dans le sous-poids
mais le score affice « normal »
il y a des stylos un peu partout
dans la maison
mais tous sont HS
j’ai fini par en trouver un
en état de marche
c’est bon signe
j’ai commencé Les Détectives
sauvages
j’en attendais un peu trop
je m’ennuie un peu
mais je vais continuer
cela ne demande aucun effort
exactement ce qu’il me faut
mercredi 3 septembre 2025
Version originale
J’ai retrouvé le passage dans La Presqu’île. C’est beaucoup mieux par
Julien Gracq.
« La fin de journée va être belle », pensa Simon. Il se mit à
siffloter, puis alluma une cigarette. Il abaissa la glacede la portière :
un vent vif et battant, hilare, sauta dans la voiture et sembla la délester.
Aussi brusquement qu’on ressent la faim, l’envie d’être déjà à Kergrit bondit
en lui ; jamais fin de journée tardivement visitée par le soleil qui n’eût
ét pour lui comme une promesse mystérieuse. « Ce sera l’heure du bain,
pensa-t-il : la marée monte », et des images exultantes et claires se
pressèrent dans son esprit en foule.
vendredi 29 août 2025
Comme un torrent
Je viens de terminer la lecture du roman de Bohumil Hrabal Une trop bruyante solitude qui m’a laissé un peu sonné. On peut dire que c’est une lecture d’homme, du corsé qui vous arrache à votre confort habituel de lecteur pour vous entrainer sans une seule pause dans un puissant torrent verbal, un monologue exalté, plus ou moins halluciné, qui se poursuit sans faiblir jusqu'au point final. La prose de Bohumil Hrabal brasse très large, des égouts souterrains au ciel étoilé de Kant. On n’oubliera pas rapidement Hanta et sa presse mécanique, les tonnes de livres au milieu desquels il vit et travaille, les ouvrages qu’il sauve du pilon, les deux petites tziganes emmenées par les nazis et le reste. Quand j'écris, j’interromps rapidement. En plus, j’efface beaucoup. C’est pourquoi, probablement, j’ai aimé plonger et me laisser prendre par ce courant qui ne connait jamais de baisse de régime.
samedi 23 août 2025
Lire aux toilettes
de la glace pour les aigles
Je me rappelle sans cesse les chevaux
sous la lune
je me rappelle lorsque je donnais du sucre
comme de la glace,
et ils avaient des têtes comme
des têtes
chauves d'aigles qui auraient pu mordre mais
n'en faisaient rien
Les chevaux étaient plus réels que
mon père
plus réels que Dieu
et ils auraient pu m'écraser les
pieds mais ils n'en ont rien fait
ils auraient pu faire toutes sortes d'horreurs
mais ils n'en ont rien fait.
J'avais presque 5 ans
mais je n'ai pas oublié ;
Ô mon dieu ils étaient forts et bons
Leurs grands coups de langue rouge
et baveuse venus de l'âme.
Charles Bukowski, Les jours s'en vont comme des chevaux sauvages dans les collines
mardi 19 août 2025
Souvenir de Boris Vian
Parmi les personnalités évoquées dans le Journal de Matthieu Galey, on croise Boris Vian à l’occasion d’un matin difficile avec une sévère gueule de bois et une pénible absence de souvenirs. Dernier souvenir précis avant le trou noir de l’amnésie : Vian en train de parler. Galey le présente alors qu'il en est "à sa sixième activité professionnelle : ingénieur, romancier, traducteur, parolier, trompettiste : à présent, il chante." Vian chanteur a exercé une énorme influence sur le jeune Gainsbourg. J'ai repensé furtivement à l’époque du lycée, à Château-Thierry, quand je lisais tout Vian avec ardeur le soir à l’internat. Il reste quelques volumes sur les étagères. Je ne les relis pas, à part les nouvelles. Elles sont souvent très bonnes. Les chansons également.
lundi 11 août 2025
Lecture d'été
Un livre de Laurent Cirelli intitulé Jacques Rigaut, portrait tiré. Voici comment l’auteur présente celui à qui il a choisi de rendre hommage. « Jeune homme doté d’une intelligence qualifiée de rare par ses amis, à commencer par André Breton, dont je ne m’aventurerai pas à mettre en doute la sûreté des jugements, armé d’un esprit extraordinairement clairvoyant et d’une grande beauté physique, il n’adhère pas à la vie et s’engouffre dans une voie sans issue. » On va dire que c’est ma conception du livre feel-good.
mardi 5 août 2025
Plage
Pour apprécier pleinement le
patio ombragé où vous aimez vous installer au calme afin de savourer la lecture
d’un bon livre, rien de tel qu’une visite éclair dans l’enfer d’une plage
envahie par une horde de touristes hagards déambulant en plein soleil entre parkings bondés et stands de frites et de glaces. Un petit quart d’heure
sera suffisant pour mesurer votre chance et retourner au plus vite pour vous mettre à
l’abri pour reprendre votre lecture.
samedi 2 août 2025
Un peu d'histoire
Le roman de Philip Roth se
déroule en 2004, l’année de la réélection de George W. Bush qui l’emporta face
au démocrate John Kerry. Le soir des élections, Zuckerman se trouve en compagnie
de Jamie et Billy, un jeune couple qui a voté Kerry et qui découvre, effondré,
le résultat. Voici comment Roth décrit la situation. « Ils avaient beau
être intelligents, savoir s’exprimer, et faire preuve de bonne éducation, et
Jamie avait beau connaître à fond l’Amérique riche des Républicains et le type
d’ignorance que produit le Texas, ils n’avaient pas la moindre idée de ce
qu’était la grande masse des Américains, et ils n’avaient jamais perçu si
clairement que ce n’étaient pas les gens instruits et cultivés comme eux qui
allaient décider du sort de l’Amérique mais les dizaines de millions de gens
différents d’eux qui venaient de donner à Bush pour la seconde fois l’occasion,
comme l’avait dit Billy, « de ruiner quelque chose de grand ». Qui a
dit que l’histoire ne se répétait pas ? Et qui a dit que lorsqu’elle le
faisait, c’était sous la forme d’une farce ?
jeudi 31 juillet 2025
La dernière aventure de Nathan Zuckerman
C’est le dernier volume de la
série de romans avec le personnage Nathan Zuckerman, double romanesque de
Philip Roth. Dans Exit le fantôme,
Zuckerman a quelques années de plus que moi (quatre exactement) et il
n’est pas très en forme. C’est un écrivain célèbre qui a
choisi de quitter New York pour se retirer dans un coin perdu à l’écart de
tout. Je ne sais pas si cela correspondait exactement à sa situation au moment
où Roth écrivait ce livre et ce n’est pas très intéressant. Il se méfiait des
biographies (je l’ai lu dans un article du New
Yorker). Ce qui m’intéresse surtout, c’est la description d’un mode de vie : le retrait à l’écart du
monde, la vieillesse qui progresse, la solitude choisie, le sentiment de
liberté qui accompagne cet écart. Tout cela est très bien décrit par Philip
Roth dans ces pages.
mardi 29 juillet 2025
Commencement
Bill Térébenthine dit que dans
ses dessins et ses peintures, il préfère les débuts, lorsque tout est ouvert,
plein de virtualités. C’est un peu la même chose lorsque je lis les premières
pages d’un livre et que celui-ci se présente bien. C’est le cas avec Exit le fantôme de Philip Roth. L’ouverture
est un modèle du genre, directe, implacable, parfaite. « Je n’étais pas retourné
à New York depuis onze ans. A part un bref séjour à Boston afin d’y subir
l’ablation de la prostate pour cause de cancer, j’étais, au cours de ces onze
années, à peine sorti de mon coin perdu dans les hauteurs des Berkshires et qui
plus est, depuis le 11-Septembre, il y a trois ans, j’avais rarement lu un
journal ou écouté les nouvelles ». C’est un plaisir de retrouver Roth, son
rythme, sa lucidité, son humour. Quand à la question de savoir pourquoi j’ai
envie de lire l’histoire d’un homme de 71 ans atteint d’un cancer, j’avoue ne
pas avoir d’explication. Il y a quelques années, le sujet m’aurait fait fuir. D’ailleurs,
j’avais évité de lire ce roman à sa sortie.
mercredi 23 juillet 2025
Le livre de l'été 2025
J’aime la manière dont Alain
Chany a écrit L’Ordre de dispersion.
Cela fait du bien quand on lit cette prose tellement poétique qu’elle en
devient autre chose, une forme inconnue qu’on ne peut qu’entrevoir par moments,
dans une certaine disposition. Il s’agit, à ma connaissance, de l’une des meilleures
descriptions littéraires de ce que fut mai 68 par ceux qui l’ont vécu du bon
côté. J’aime sa façon d’aligner les mots, les phrases, les idées, à la manière
d’un jazzman revenant régulièrement sur son thème après avoir divagué en
liberté en dehors des clichés balisés. Au début du roman, le narrateur qui enseigne
la philosophie doit faire un discours de remise de prix dans l’établissement où
il enseigne. Extrait du discours :
« Nous fuyons la fuite et cela ne va pas tout seul : nous sommes en éveil
permanent, malgré ce qui peut paraître. Nous ne chanterons pas la romance qui
calme, ni le système engourdissant. Nous essaierons de faire des feux de joie,
malgré tout ; nous aurons donc beaucoup d’ennemis. » Le discours continue sur cette lancée. Il suscite un tollé d’indignation chez les parents d’élèves. Le directeur, qui est
un curé, explique au professeur que de tels propos ne peuvent être tolérés dans
un lycée privé très strict sur les valeurs morales. Le professeur de philosophie
et narrateur apprend qu'il est renvoyé.
lundi 21 juillet 2025
Martha
Je finis la lecture de Yoga et Carrère continue à m’amuser.
Exemple, vers la fin du livre, le narrateur est dans une île grecque, seul,
dépressif. Il touche le fond. Même dans cet état, il trouve encore moyen se
vanter. Susanna, une jeune femme qu’il a essayé de draguer, est partie. Elle
lui avait expliqué qu’elle suivait un cours de creative writing avec Alessandro Baricco. Extrait :
« J’ai failli demander à Suzanna de saluer pour moi Baricco, que je
connais un peu, mais me suis abstenu de ce name-dropping
qu’il est à mon honneur de n’avoir pas utilisé dans ma vaine tentative de
séduction. » C’est un tour de force : réussir dans la même phrase à
glisser qu’on connait un célèbre écrivain italien et qu’on a eu l’élégance de
ne pas le mentionner alors que cela aurait pu s’avérer un outil efficace pour
parvenir à ses fins pour finalement réclamer une petite dose d’admiration de la
part du lecteur en raison de ce remarquable effort de modestie. Soyons
juste : il y a quelques bonnes pages sur la Polonaise Héroïque et une
excellente description qui m’a donné envie de revoir la vidéo Martha Argerich
la magnifique.
jeudi 17 juillet 2025
Autosatisfaction
Si Emmanuel Carrère m’avait
confié la lecture de son manuscrit je lui aurais expliqué que son texte avait
beaucoup de qualités, dont celle de passer systématiquement en revue les motifs
d’irritation que sa prose peut susciter chez le lecteur. Mais ce n’est pas une
raison pour tout garder. J’aurais
probablement coché des passages à élaguer ou à supprimer. Le portrait de M.
Ribotton, pauvre petit prof pitoyable, est une réussite. En revanche, les
souvenir complaisants de l’ancien élève du lycée Janson auraient gagné à
disparaître. Ils présentent un intérêt uniquement pour ceux qui ont grandi
dans seizième. Je crois que ce qui rend certains passages pénibles, c’est l’énorme
autosatisfaction qui s’en dégage. Même lorsqu’il évoque son discours pour l’enterrement de son ami Bernard Maris,
il ne peut pas s’empêcher de préciser qu’il pense avoir été bon.
lundi 14 juillet 2025
Yoga
Pour l’instant (j’en suis au
premier tiers environ), le livre d’Emmanuel Carrière a pour sujet la méditation
à travers le récit d’un stage intensif d’une semaine. D’autres péripéties sont
annoncées. Premier bilan : Carrère est un excellent raconteur et un bon écrivain. On ne
s’ennuie pas et on sourit souvent. La méditation est un sujet qui m’intéresse
depuis longtemps. Je n’ai jamais réussi à me plier complètement à la posture règlementaire.
Comme je ne voulais pas non plus renoncer aux bienfaits de cette pratique
ancestrale, j’ai mis au point mon yoga à moi. L’important est d’être assis sur
le sol. Peu importe ce qu’on fait de ses jambes mais une fois installé, il faut essayer de bouger le moins possible. Je trouve que la musique est un excellent support.
Le choix influe sur la qualité de la séance. En ce moment, je passe les
enregistrements des sessions d’enregistrement des Stones vers 77-78 à Paris.
Les morceaux qui s’étirent ressemblent aux ragas indiens dont Carrère dit qu’ils « vous immergent
dans une immobilité qui rayonne en tous sens, en sorte qu’on ne sait jamais où
on en est et qu’on est en même temps toujours au centre. »
samedi 5 juillet 2025
Lecture d'été
Loin de moi l’idée de dire du mal
de Frédéric Berthet. D’ailleurs, je ne veux, en règle générale, dire du mal
d’aucun écrivain. Si on a besoin de passer ses nerfs, il y a assez de têtes à
claques du côté des politiciens (pour
prendre un exemple au hasard). Les écrivains, eux, ne nuisent à personne. Tout
juste leurs écrits peuvent-ils générer une forme d’ennui. Ce n’est jamais
violent, on est généralement confortablement installé quand on lit. En fait, tout
est de ma faute. Le passage sans transition de Bukowski à Berthet était une
erreur. Le premier est un boxeur poids lourd. En comparaison, Paris-Berry de Berthet ne parait pas
seulement léger ; il est terriblement inconsistant. Chaque texte est comme
une bulle qu’on tente d’attraper et qui éclate en laissant derrière elle un
vide gênant. Improviser sur le presque rien s’avère une entreprise périlleuse
(j’en sais quelque chose). Et puis la légèreté forcée et l’insouciance feinte
me rendent triste. Je vais le lire jusqu’au bout un peu comme on lirait une
notice listant tous les pièges menaçant les textes courts.
vendredi 27 juin 2025
Esprit
![]() |
Barbey par Nadar |
En 1850 Le Dessous de cartes d'une partie de whist parut en feuilleton, en trois parties, dans le journal La Mode — la Revue des deux Mondes l'ayant refusé (Wikipédia). Déjà à cette date, Barbey considérait l’art de la conversation, « cette fille expirante des aristocraties oisives », comme une chose du passé. Le salon d’une baronne pour laquelle le narrateur manifestait la plus grande admiration constituait le dernier refuge de l’Esprit. « C’est là que chaque soir, écrit l’auteur, jusqu’à ce qu’il se taise tout à fait, il chante divinement son chant du cygne. » Et Barbey précise un peu plus loin, pour décrire cet art de la causerie : « Rien n’y rappelle l’article du journal et le discours politique, ces deux moules si vulgaires de la pensée, au dix-neuvième siècle. »
samedi 21 juin 2025
(Love Is Like a) Heat Wave
![]() |
Bill Térébenthine |
mardi 17 juin 2025
Dialogue
— La manière que tu as de te
précipiter dans ton fauteuil dès que tu en as l’occasion pour te plonger dans
ton livre a quelque chose de désobligeant.
— Les
discours qui prétendent encourager la lecture sont des faux semblants. Les
lecteurs ont toujours dû se cacher pour s’adonner à leur plaisir.
— Pourrais-tu me dire ce qu’il y a de si captivant dans ce que tu lis en ce moment ?
— Je ne suis pas critique
littéraire mais je peux te lire un passage de ce roman de Nabokov. Nous sommes
près de la fin. Le narrateur a reçu un télégramme lui annonçant que Sebastian
Knight est sur le point de mourir. Il s’est précipité dans un train pour se rendre sur place, à la campagne.
Extrait : « Parmi les nuages beige, il y en avait un couleur chair,
et, dans le solitude tragique des champs dénudés, les plaques de neige en dégel
se coloraient d’un rose mat. Une route surgit et glissa durant une minute le
long du train, et juste avant qu’elle ne disparût à un tournant, on vit un
homme à bicyclette y zigzaguer parmi la neige et la fange et les flaques. Où
allait-il ? Qui était-il ? Personne ne le saura jamais. »
— Et ?
— Quand je tombe sur un passage
comme celui-ci, j’imagine Nabokov peaufinant sa description sur l’une de ses
fameuses fiches jusqu’à obtenir la clarté et la précision souhaitée. Je précise
que ce trajet en train est présenté par le narrateur comme particulièrement
pénible, le wagon est bondé, les voyageurs sentent mauvais et il craint
d’arriver trop tard à destination.
— Et si nous instaurions un
nouveau rituel. Tu me lirais de temps en temps un passage que tu as
particulièrement apprécié.
— Validé.