G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur: Manchette
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vendredi 30 mai 2025

L’art de la lettre d’injures

 

On apprend, en lisant les Considérations sur l'assassinat de Gérard Lebovici, que celui-ci avait laissé des notes manuscrites pour le plan d’un livre intitulé Tout sur le personnage. A propos de l’activité d’écrivain de Lebovici, Debord précise : « Allant au plus pressé, c’est par la lettre d’injures qu’il avait commencé. » Il donne au passage une définition qui est aussi un mode d’emploi de ce qui est selon lui « une sorte de genre littéraire ». Debord reconnait avoir, sur ce point, « appris beaucoup des surréalistes et, par-dessus tout, d’Arthur Cravan. » La seule difficulté réside, selon lui, dans le fait d’être en droit de les écrire « à l’occasion, pour certains correspondants précis. » Car il importe que ces lettres ne soient jamais « injustes ». Dans un entretien, Manchette racontait qu’il en avait reçu une de Lebovici qui l’avait grandement affecté dans un premier temps. Par la suite, elle lui avait parue parfaitement justifiée.


vendredi 18 avril 2025

Série Noire


 « Lorsque Kells rangea sa voiture dans la quatrième Rue entre Broadway et Hill Street, les réverbères électriques et les enseignes lumineuses commençaient juste à s’allumer. Il entra dans l’immeuble qui faisait le coin, monta au troisième et longea le corridor jusqu’à une fenêtre donnant sur la Cinquième Avenue. Il resta quelques minutes devant la fenêtre à surveiller le va-et-vient sur le trottoir d’en face. Puis il retourna à la voiture. »

Si on me demandait ce que j’ai fait de ma semaine ? A part être assommé par une grippe (ou un covid grippal), j’ai commencé la lecture de A tombeau ouvert, un polar de Paul Cain cité par Manchette comme l’un de ses préférés parmi les classiques de la Série Noire. On comprend vite pourquoi. Le style purement « behavioriste » est ici utilisé avec une grande rigueur. On chercherait en vain la moindre notation psychologique, la moindre évocation des émotions ou de la vie intérieure des personnages. Et c’est très beau.

mercredi 9 avril 2025

Humour noir

 

A la fin du fort bien titré Derrière les lignes ennemies, dans un dernier entretien de 1993, après avoir expliqué que la mort de Gérard Lebovici l’avait « chagriné », Manchette reconnait avoir été également inconsolable d’avoir « raté » Robert Bresson qu’il a failli écraser alors que le cinéaste traversait le boulevard Henri-IV avec une baguette sous le bras. « Je ne l’ai pas tué parce que je ne l’avais pas reconnu. On me doit les six derniers films de Bresson. » L’entretien, qui se tient dans un hôpital psychiatrique, se termine par cette phrase qui « se comprend de soi-même » : « Je préfère être fou comme je suis que normal comme Pasqua. » (On pourra remplacer le nom de cette canaille par n’importe quel malade au pouvoir qui occupe notre palpitante actualité).


mardi 25 mars 2025

"Nous sommes en guerre."

 

"Je dis ça de manière tranchée. Mon existence est envahie par les rapports marchands, par les marchandises. Je suis personnellement attaqué très violemment par le monde marchand. J’ai pu échapper au salariat (en tant que prof). Je pars du côté de l’écriture en me disant : « Je vais fonctionner pour moi. » Constat : je suis assiégé. Faut que je trousse mes intrigues pour que ce soit plus facilement achetable par le cinéma, ou pour que je puisse manger. Je dois me soucier du prix du pain. En même temps j’avais essayé d’échapper à ça." 

Jean-Patrick Manchette, Derrière les lignes ennemiesEntretiens 1973-1993

Entretien publié dans Révolution, 1983

mercredi 5 mars 2025

Dans le monde du roman noir

 


« Le roman noir à l’américaine parle d’un monde complètement dominé par le capital, où les salauds sont au pouvoir (interpénétration de la politique, du gangstérisme et de la police). Il raconte donc des histoires qui n’ont plus pour fin le rétablissement de l’ordre (...), parce que l’ordre qu’ils décrivent est irrémédiablement mauvais. Et ils sont noirs parce que personne, pendant cette période, ne voit comment sortir de ce merdier. » Le roman noir évoqué par Manchette commence dans les années 20 et son âge d’or se termine dans les années 50. La description m’a fait terriblement penser à notre époque avec toutefois une différence importante : ce qui se passait au niveau d’une ville dans les romans de Chandler ou Hammett se déroule aujourd’hui à l’échelle de pays entiers et est retransmis en live selon les lois du spectacle. 

vendredi 28 février 2025

Dernières nouvelles

 

Regardé A Complete Unknow avec la curieuse impression d’avoir déjà vu le film mais c’était bien quand même et j’ai craqué pour Monica Barbaro. Entendu un entretien avec Jean-Pierre Montal et me suis dit que je n’étais pas un romancier même si j’aime beaucoup lire des romans comme La face nord. Commencé la lecture de Derrière les lignes ennemies Entretiens 1973-1993 et j’étais tellement captivé par les propos de Jean-Patrick Manchette que j’ai eu droit à des remarques concernant mon manque d’intérêt pour ce qui se passe autour de moi. 

jeudi 27 février 2025

C'est long, la fin du monde

 

A une époque pas si lointaine, je m’étonnais en constatant que les dernières données scientifiques concernant l’effondrement de la biodiversité ne faisaient pas les gros titres dans les médias. Aujourd’hui on a encore fait des progrès dans l’aveuglement volontaire : on vote en masse pour ceux qui promettent de laisser tomber toutes ces histoires de protection de l’environnement qui nous pourrissent la vie. Joli tour de passe-passe. Nous assistons à « l’effritement du monde où nous vivons » (dixit Manchette). Peut-être même verrons-nous son effondrement. Pas de précipitation. Le film tourne au ralenti.