lundi 28 juillet 2025
1975 (suite)
mardi 8 juillet 2025
1975 (suite)
J’ai envie de revenir à l’année
1975, plus précisément à l’été de cette année-là. La bande adolescente que nous
formions était constituée de quatre garçons et un peu moins de filles. Tout le
monde devait se retrouver dans une maison du vieux Hyères appartenant à la
famille des filles. Avec un copain, nous avons rejoint le sud en stop. Une
grande partie du trajet s’est déroulée comme dans un film américain des années
70, cheveux au vent à l’arrière d’une voiture de sport décapotable conduite par
un couple de jeunes gens beaux et friqués qui incarnaient la douceur de vivre.
Les paysages ensoleillés défilèrent comme dans un rêve éveillé. Après une année
d’internat dans la grisaille et l’ennui d’une petite ville l’Aisne, c’était
comme se transporter dans un autre monde où tout était soudainement beau, sexy
et totalement cool.
vendredi 16 mai 2025
1975 (suite)
Je regarde une liste des "meilleurs films de 1975" et je constate que je n’en ai pas vu beaucoup
sur le coup (Tommy, Dupont Lajoie). J’étais allé voir Nashville d’Altman avec un copain du
lycée. Je ne suis pas certain d’avoir tout compris mais le film m’avait laissé
dans un état planant propice à l’inspiration. En sortant de la salle, nous
sommes allés manger dans un petit restaurant et, le vin aidant, nous avions
improvisé les paroles d’une chanson pour notre groupe (il chantait, je jouais
de la guitare). Nous avons noté le texte sur un bout de la nappe en papier et
c’était devenu un de nos titres préférés. J’ai revu le film d’Altman récemment.
C’est un chef-d’œuvre.
vendredi 9 mai 2025
La Grande Ourse
Effet Michon ? Une irrésistible envie s’est emparée de moi : remonter du côté de Rimbaud, vers la Grande Ourse, en passant (et oui !) par Sollers, l’un de mes critiques littéraires favoris. J’ouvre La Guerre du goût. « C’est l’été. Je suis à Long Island. Je relis les Illuminations, le livre qui restera lorsque plus personne ne se souviendra de rien. » (Y sommes-nous ?) « En ce temps-là, seuls quelques rares passants pourrons se promener dans l’après-monde comme s’il s’agissait d’un volume ouvert à chaque moment. Je vois des phrases, des mots, les syllabes me guettent, on dirait que les signes palpitent comme ce qui fut autrefois paysage et tableau. J’éteins la télévision. » (Aujourd’hui, on dirait l’ordinateur ou le téléphone). C’est parti. Direction Rimbaud. Je prends puis repose le livre de poche de mes 17 ans. Les pages se détachent et menacent de s’envoler. Je me rabats sur un livre de lycée (Garnier-Flammarion) plus austère. 17 ans, c’était le bon âge pour lire Sensation et La Saison en enfer. Je compte sur mes doigts. Aucun doute, cela se passait en 1975. Ce qui confirmerait l’existence d’un pont temporel quantique avec ce que nous appelons aujourd’hui ?
jeudi 8 mai 2025
1975 (suite)
Je parcours la liste d’évènements
qui se sont déroulés cette année-là et je réalise à quel point l’actualité nous
laissait indifférents. La mort de Franco avait donné lieu à une couverture
amusante de Reiser. C’est à peu près tout ce que j’ai retenu. Ce n’était pas un
sujet de discussion entre nous. Le sujet important, c’était l’information
concernant la prochaine boum, « fête musicale et dansante organisée par
des adolescents », nous dit wiki qui précise que la boum est « fortement
connotée aux premiers émois amoureux et à l'éveil sexuel des adolescents, à
travers leurs premiers slows, dans les années 1960 et 1970. » Je ne
me souviens pas de slows plus ou moins torrides. On passait plutôt notre temps
à sauter sur place sur Midnight Rambler
dans la version live. Après nous être secoués en rythme, nous nous écroulions
inondés de sueur, souvent trop ivres pour nous occuper des filles qui devaient
terriblement s’ennuyer.
jeudi 24 avril 2025
1975 (suite)
Blood On The Tracks est unanimement considéré comme son meilleur album de la décennie. Il m’impressionnait beaucoup quand je l’écoutais dans ma chambre de lycéen. J’appréciais la musique, le chant habité, mais les thèmes abordés me passaient largement au-dessus. C’est quoi cette histoire de souffrance amoureuse ? Les vaines tentatives pour retenir celle qui s’éloigne en vous laissant « with a pain that stops and starts» (You’re A Big Girl Now), cela ne m’évoquait de précis. Maintenant, lorsque j’écoute ces chansons, je me laisse vaguement aller avec complaisance à revivre des ruptures passées, des déchirements sublimés par l’art du songwriter.
mardi 8 avril 2025
1975 again
En parcourant le numéro d’avril
75 de Rock & Folk je me dis que
l’âge d’or était terminé. C’était le creux de la vague. Rien d’excitant
n’apparaissait plus à l’horizon. Beaucoup de choses boursouflées, surestimées, frappées
d’obsolescence dès leur sortie (du genre Genesis et Yes). Les articles ne
retiennent pas mon attention ; je file à la rubrique « Disques ».
En ouverture, Physical Graffiti de
Led Zeppelin se fait hacher menu par Manœuvre. Cela tombe bien : je n’ai
jamais réussi à l’apprécier. Le groupe se résume pour moi à leur chef d’œuvre Led Zeppelin IV. Rock’n’Roll de John Lennon. Celui-là je l’ai écouté à sa sortie
grâce à mon beauf, un vieux rocker qui voulait m’initier à la musique de sa
jeunesse, celle des « pionniers ». Et j’ai adoré. Be-bop-a-lula, Stand By Me, Peggy Sue.
Les reprises de John dégagent une joie communicative. A mon humble avis, il n’y
a rien de tel que ce bon vieux rock des années 50 pour se remettre d’aplomb.
D’ailleurs, je vais me le mettre pendant que je poursuis ma lecture. Je pousse
le son. Qu’est-ce que ça fait du bien ! La bourse peut bien s’écrouler.
Let’s rock again ! Je reprends. Mahavishnu, Van Der Graaf Generator,
Tangerine Dream : beurk. A la poubelle, les déchets prétentieux. Tiens !
La BO de The Harder They Come. On découvrira cette merveille un ou deux ans
plus tard. Idem pour l’album Natty Dread
en « Import Givaudan ».
mercredi 26 mars 2025
1975 (suite)
Tel un artefact descendu de
l’espace, un nouveau trimestriel de bande dessinée apparut un matin. Il y en avait
une petite pile près de la caisse de la librairie-papeterie en face du lycée.
On prenait un exemplaire entre les mains, on le feuilletait avec curiosité. Sur
la couverture, un monstre signé Moebius nous montrait les crocs en hurlant (ou
en aboyant) dans notre direction. Après quelques BD en noir et blanc, les
premières pages d’ARZACH faisaient une forte impression. On restait un instant subjugué
par une forme inconnue de poésie visuelle. Puis on reposait le magazine sans l’acheter.
Trop cher. Trop nouveau. Trop beau. Un peu plus tard, nous allions nous y
plonger longuement.
lundi 17 mars 2025
Les choses qu’on aurait eu du mal à imaginer en 1975
samedi 15 mars 2025
1975 (suite)
Pour essayer de se remettre dans le contexte, il faut d’abord se souvenir qu’au milieu des années 70 beaucoup d’individus de sexe masculin avaient les cheveux plus ou moins longs. Chez les jeunes, c’était une norme. J’avais des cheveux ondulés et bruns dans le genre Marc Bolan ou Julien Clerc (deux chanteurs que j’appréciais). Rien de particulier du côté de la tenue. J’adoptais le style baba cool qui allait bientôt être dénigré puis renié avec l’arrivée des punks. Le contexte politique ? Giscard venait d’être élu. Certaines couvertures de Charlie Hebdo accrochées au mur de ma chambre moquaient le fringuant nouveau président.
jeudi 13 mars 2025
50 ans après
J’aimerais écrire sur l’année 1975. L’idée de le faire un demi-siècle plus tard me plait bien mais c’est loin. Au moment de m’y mettre, je réalise que les images sont floues. Jusqu’à l’été, il ne s’est rien passé de marquant. J’allais au lycée et j’écoutais religieusement mes disques. De mémoire, Blood on the Tracks, Tonight’s the Night, Y’a une route. Je parle de ceux qui venaient de sortir, dont j’avais lu une critique suffisamment excitante pour donner envie de l'acheter. Il y en a plein que j’ai ratés par manque d’argent de poche et que j’ai découverts beaucoup plus tard comme Coney Island Baby ou Young Americans. A part la musique, la lecture de Charlie Hebdo, il me semble qu’il ne se passait pas grand-chose de marquant.
lundi 17 février 2025
1975 forever
Le surgissement à l'écran d’un
personnage peut entrainer par résonnance des souvenirs adjacents. Le portail
qui mène au point d’où partent les
corridors du Passé s’est entrouvert. A vrai dire je regardais assez souvent
par-dessus depuis le début de l’année (l’effet cinquantenaire, probablement).
J’attendais qu’un évènement déclenche l’expédition en direction de l’année
1975. C’est fait. J’ai 17 ans, depuis la
rentrée j’ai quitté mon village au bord de la Marne pour venir habiter Paris.
jeudi 23 janvier 2025
Comme dit la formule célèbre, à
partir d’un certain âge on ne lit plus, on relit. Antoine Compagnon en a fait
le sujet d’un cours au Collège de France. Bref, je suis arrivé à cet âge. Cela
signifie que l’on se retrouve avec une assez grande bibliothèque (faire tenir tous
les livres était un critère dans la recherche immobilière). Lorsqu’un livre est
lu, on fouille dans les rayons à la recherche du prochain qui aura l’honneur de
se trouver sur la table de nuit. On ouvre, on hume, on lit un passage ou deux,
on remet en place et on recommence. Jusqu’au moment où le déclic se produit,
entraînant l’envie d’entamer la lecture avec impatience. Cette fois, le choix
s’est porté sur Le piéton de Paris de
Léon-Paul Fargue à cause de la phrase suivante : « J’ai habité Passy
autrefois, du temps que j’allais au lycée Janson. » Il se trouve que ce
fut la même chose pour moi : même quartier, même lycée. Cela se passait en
1975. Nous aurons l’occasion d’en reparler ; je prévois en effet de
commémorer ici l’année 75.