Entendons-nous bien : je n’ai
absolument rien contre Emmanuel Carrère, dont je reconnais et apprécie par
moments le talent d’écrivain et qui ne parait pas foncièrement antipathique.
Juste un peu énervant. Carrère n’est par ailleurs aucunement responsable de ce
qui cause chez moi –et peut-être chez d’autres personnes dans le même cas – une
forme particulière d’irritation. Par exemple, lorsqu’à l’occasion d’un
entretien radiophonique, il glisse en aparté, sur le ton de la fausse
confidence légèrement gênante : « J’ai la chance d’avoir eu une
enfance heureuse. » Tant mieux pour toi, Ducon. C’est certain, il est
beaucoup plus difficile de confier, sur le même ton : « Mon enfance a
été très pénible, dans une famille pesante où j’étais un étranger. »
Pourtant, je ne dois pas être un cas isolé. Mais cela ne se fait pas. Ceux qui n’ont
pas eu de chance au tirage de la loterie de la naissance sont censés accepter
sagement leur sort et prendre cette injustice radicale avec philosophie (stoïcisme ? nihilisme ? scepticisme ?). La structure
inégalitaire de la société tend à récompenser ceux qui ont tiré le bon ticket
au départ tandis que les autres doivent partir à l’assaut de la culture
légitime par la face nord et s’estimer heureux, si la chance leur a un peu
souri en cours de route, de ne pas avoir fini SDF.
samedi 6 septembre 2025
Rentrée littéraire
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