G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur: Pendant ce temps, chez Bill Térébenthine...

mercredi 5 novembre 2025

Pendant ce temps, chez Bill Térébenthine...

 

Bill Térébenthine

— Que t’arrive-t-il, Bill ?

— Rien. Au sens strict du terme.

— Peux-tu développer au sujet de ce rien ?

— Je n’ai plus de goût à peindre et à dessiner.

— Ah merde. Et comment tu l’expliques ?

— C’est assez simple. Depuis une dizaine d’années, mes réalisations consistaient pour l’essentiel en dessins d’observation et en peintures d’après des photos prises durant des promenades. C’est-à-dire que je pratiquais un art d’imitation.

— Et ?

— Et il se passe que je ne peux plus me mettre au travail pour continuer dans cette voie depuis que j’ai lu ce que disait Hegel de l’imitation envisagée comme le but de l’art.

— Il en disait quoi, Hegel ?

— Pour lui, l’art n’a pas pour fonction de reproduire du mieux qu’il peut le monde extérieur. Selon ses termes tels qu’ils ont été rapportés par ceux qui suivaient ses cours, il s’agit d’un travail superflu. Je vais retrouver le passage. Il parle d’un « jeu présomptueux, qui reste bien en deçà de la nature ».

— Il y va fort, là. Mais ne dit-on pas que dans l’Antiquité on admirait l’illusionnisme de Zeuxis dont les raisins trompaient même les oiseaux ?

— Bien sûr. Hegel en parle. Ecoute ça. « Au lieu de louer des œuvres d’art parce que des pigeons ou des singes s’y sont laissés tromper, il faudrait plutôt blâmer ceux qui croient avoir porté bien haut l’art, alors qu’ils ne savent lui donner comme fin suprême qu’une fin si médiocre. »

— Je vois pourquoi Hegel a semé le doute. Et tu vas faire quoi maintenant ?

— Rien. Je gribouille sur des bouts de papier en attendant de voir ce qui va sortir.

— Veinard. C’est le meilleur moment.


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