G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

mercredi 12 mars 2025

Expérience extrême

 

Pour des raisons indépendantes de ma volonté, je suis resté déconnecté pendant trois jours. Pas d’ordinateur, de smartphone. Rien que du papier, des stylos, des livres et un piano. Je me suis retrouvé exactement dans l’état où j’étais lorsque j’étais interne dans un collège en préfabriqué entouré de champs de betteraves. Qu’est-ce qu’on s’ennuyait. Le soir surtout. Une fois par semaine, on avait droit à une soirée télé avec Les dossiers de l’écran. Le reste du temps, il fallait meubler des tunnels interminables d’heures de permanence et de récré. L’ennui était omniprésent, il imprégnait chaque moment nos existences. Pendant cette séquence de sevrage numérique, j’étais à la fois troublé et plutôt content de le retrouver.


samedi 8 mars 2025

Le monde des séries


Je commence à me lasser de ce cirque. Passés les coups de théâtre des premiers épisodes, depuis le crescendo qui a conduit à « Massacre à la Maison Blanche », la série en cours commence déjà à s’essouffler. On a compris le plot : une sorte de Joe Dalton en plus gros est élu à la tête de l’Amérique ; il a tous les pouvoirs et peut semer le chaos et la destruction dans le monde entier sans rencontrer d’obstacle. Problème : les personnages principaux sont des bourrins tellement caricaturaux et grotesque, tellement givrés qu’ils en deviennent prévisibles dans leurs délires. Cela manque cruellement de subtilité et d’ambigüité.  

vendredi 7 mars 2025

Et toujours en chansons


 J’y reviens toujours

Cette fois par un chemin détourné

En écoutant Joan Baez

Chanter Pauvre Rutebeuf

J’y reviens toujours

Les chansons qui passaient à la radio

Celles que j’aimais à 13 ans

Puis à tous les âges

Celles qu’on chantait assis par terre

Autour d’une guitare

Celles qui remuaient nos blessures

Et celles qu’on fredonnait

Qui nous rendaient légers

Tu peux te moquer

J’y reviendrai toujours

 

jeudi 6 mars 2025

Lecture

 

Le soir, avant de plonger dans le monde des rêves, je lis quelques pages du livre qui se trouve sur la table de nuit, en ce moment Jacques le Fataliste et son maître. J’apprécie le dépaysement qui rend les premières approches un peu difficiles. Puis, à mesure qu’on se familiarise, on se prend à aimer la liberté débridée de Diderot, son humour irrespectueux, son jeu avec les règles de narration, la manière dont il s’amuse à déjouer les attentes du lecteur auquel il s’adresse directement.


mercredi 5 mars 2025

Dans le monde du roman noir

 


« Le roman noir à l’américaine parle d’un monde complètement dominé par le capital, où les salauds sont au pouvoir (interpénétration de la politique, du gangstérisme et de la police). Il raconte donc des histoires qui n’ont plus pour fin le rétablissement de l’ordre (...), parce que l’ordre qu’ils décrivent est irrémédiablement mauvais. Et ils sont noirs parce que personne, pendant cette période, ne voit comment sortir de ce merdier. » Le roman noir évoqué par Manchette commence dans les années 20 et son âge d’or se termine dans les années 50. La description m’a fait terriblement penser à notre époque avec toutefois une différence importante : ce qui se passait au niveau d’une ville dans les romans de Chandler ou Hammett se déroule aujourd’hui à l’échelle de pays entiers et est retransmis en live selon les lois du spectacle. 

mardi 4 mars 2025

Croyance

On a l’impression que chaque fois que vous vous engagez à prendre une position vous l’atténuez par l’ironie ou par le sarcasme.

Toujours. Parce que je n’y crois pas.

Mais à quoi croyez-vous ?

Mais à rien ! Le mot « croyance » est une erreur aussi. C’est comme le mot « jugement ». Ce sont des données épouvantables sur lesquelles la Terre est basée. J’espère que, sur la Lune, ce ne sera pas comme cela !

Vous croyez à vous, tout de même ?

Non.

Même pas ?

Je ne crois pas dans le mot « être ». Le concept être est une invention humaine.

 

Marcel Duchamp, Entretiens avec Pierre Cabanne

 

lundi 3 mars 2025

Posture


 Il y a ceux qui déclarent vouloir se couper de « l’info » jugée trop anxiogène (il faut admettre qu’elle n’est pas très relaxante). Ils disent en profiter pour se recentrer sur les valeurs essentielles : lecture au coin du feu, potage familial, immersion dans ce qu’il reste de nature. Je ne peux m’empêcher d’être dubitatif. Je ne vois pas bien comment installer un barrage hermétique et empêcher les échos du monde extérieur d’entrer par un bout, mais peut-être que je m’y prends mal. Cette indifférence affichée me fait penser ceux qui déclaraient « ne pas faire de politique » alors qu’il n’y avait pas besoin de creuser longtemps pour découvrir qu’ils étaient en fait bien à droite. Mais aujourd’hui, pourquoi se cacher ?

samedi 1 mars 2025

Où sont passés les dieux ?

 

Textes débiles moulinés par l’IA, passage à la voiture électrique et retour des nazis : ces derniers temps on nous demande de fournir un important effort d’adaptation. J’avais déjà du mal avant, là je crois que ça devient mission impossible. Des raisons d’espérer à plus ou moins long terme ? Il y a d’abord l’effet balancier. Souvenons-nous qu’après la frénésie consumériste des années 50 il y eut la génération Beat puis les Hippies. Certes, il est vrai que depuis les années 80, on attend en vain une réaction à la hauteur du développement du capitalisme. L’autre lueur d’espoir repose dans les croyances de l’Antiquité telles qu’elles sont réapparues à la Renaissance et dont on trouve un écho chez Montaigne : une apologie de la modération et une condamnation de l’excès dans tous les domaines. Qu’attendent les dieux pour revenir châtier les mortels qui se livrent aux excès de l’hybris ?