samedi 31 mai 2025
Lu
vendredi 30 mai 2025
L’art de la lettre d’injures
On apprend, en lisant les Considérations sur l'assassinat de Gérard
Lebovici, que celui-ci avait
laissé des notes manuscrites pour le plan d’un livre intitulé Tout sur le personnage. A propos de
l’activité d’écrivain de Lebovici, Debord précise : « Allant au plus
pressé, c’est par la lettre d’injures qu’il avait commencé. » Il donne au
passage une définition qui est aussi un mode d’emploi de ce qui est selon lui
« une sorte de genre littéraire ». Debord reconnait avoir, sur ce
point, « appris beaucoup des surréalistes et, par-dessus tout, d’Arthur
Cravan. » La seule difficulté réside, selon lui, dans le fait d’être en
droit de les écrire « à l’occasion, pour certains correspondants
précis. » Car il importe que ces lettres ne soient jamais « injustes ».
Dans un entretien, Manchette racontait qu’il en avait reçu une de Lebovici qui l’avait grandement affecté dans un premier temps. Par la suite, elle lui avait parue parfaitement justifiée.
jeudi 29 mai 2025
Aux derniers lecteurs
Il parait que les jeunes français
lisent de moins en moins. Dommage pour eux. Ils ne connaîtront pas ce plaisir
aristocratique : errer devant sa bibliothèque, s’emparer d’un livre sur
une impulsion, l’ouvrir au hasard, comme je viens de le faire avec un livre de
Cécile Guibert intitulé Pour Guy Debord.
J’y puise quelques citations pour la journée.
Rimbaud : « Je songe à
une Guerre, de droit ou de force, de logique bien imprévue. »
Godard : « Il y a la
culture, qui est la règle, et il y a l’exception qui est de l’art. »
Debord : « Le plus important
est le plus caché. »
mercredi 28 mai 2025
Un peu de poésie
The Laughing Heart
your life is your life
don’t let it be clubbed into dank
submission.
be on the watch.
there are ways out.
there is a light somewhere.
it may not be much light but
it beats the darkness.
be on the watch.
the gods will offer you chances.
know them.
take them.
you can’t beat death but
you can beat death in life,
sometimes.
and the more often you learn to
do it,
the more light there will be.
your life is your life.
know it while you have it.
you are marvelous
the gods wait to delight
in you.
Charles Bukowski
mardi 27 mai 2025
Signes annonciateurs
Dans un roman du XIXème comme Pierre et Jean de Maupassant qui se trouve actuellement sur ma table de nuit, le récit est parsemé de signes annonçant les évènements dramatiques à venir. C’est l’occasion pour le spécialiste qui a préfacé le roman de semer des notes au fil du texte en soulignant les récurrences de certains mots, de certains thèmes et en pointant des détails annonciateurs dissimulés dans le décor. On peut trouver le procédé un peu lourd et, finalement, assez peu réaliste. Jusqu’au moment où on repense à des scènes passées qui ont suscité un malaise inexplicable à l’époque et qui aujourd’hui résonnent de manière troublante, maintenant qu’on connait la suite. Les signes avant-coureurs existent donc en dehors des romans. Hélas, le plus souvent, nous n’avons pas su (ou voulu) les détecter.
lundi 26 mai 2025
Questionnaire
(J’ai recopié des questions posées par le Point à Antoine De Caunes.)
Quel est le premier livre qui vous a marqué ?
On achève bien les chevaux d’Horace McCoy. Je l'ai toujours. Le livre trainait dans
la chambre de ma grande sœur. Je me suis toujours demandé pourquoi vu qu’elle
ne lisait pratiquement rien à part Salut
les Copains.
La première séance de cinéma dont vous vous souvenez ?
Bonnie and Clyde au cinéma du village. C’était un évènement. Il y
avait plein de voitures garées le long de la route, la salle était bondée. Une
ambiance inoubliable et un film que je revois souvent.
Votre premier disque vinyle ou cassette ?
Format 45 tours : Love Like A Man de Ten Years After
acheté à un grand du collège qui revendait ses disques.
Format 33 tours : Sticky Fingers. Un choc (et pas
seulement à cause de la pochette de Warhol)
Votre série télé d'enfance ?
Belle et Sébastien
Aviez-vous des posters dans votre chambre ?
Plein, pour dissimuler le papier
peint à fleurs. Mais je ne me souviens que d’un : l’affiche des Who
« Maximum rythm & blues » qui était offerte dans la pochette de l’album
Live At Leeds.
Vous vous occupiez comment, ado ?
Ecouter des disques, lire la
presse musicale, rêvasser.
Vous écoutiez quoi ?
Les Who et les Stones, beaucoup.
Et pas du tout les Beatles.
Un roman récent qui vous a marqué ?
Tiens ! C’est le même que De Caunes. J'écris l'Iliade, de Pierre Michon
dimanche 25 mai 2025
samedi 24 mai 2025
LE RAP DU MATIN
Un peu de pluie ce matin
ça fait du bien au jardin
le téléphone sonne
il n’y a personne
j’aimerais seulement trouver
un peu de tranquillité
tous les politiciens
me font marrer
le rap me tape
sur les nerfs
toutes la Gaëlle sont
des grosses connes
vise un peu la punchline
tiens le soleil revient
vendredi 23 mai 2025
« Pruneau desséché » (dialogue démocratique)
— Bruce : Chez moi, l’Amérique que j’aime, celle sur laquelle j’ai
écrit, ce symbole d’espoir et de liberté pendant 250 ans, est actuellement dans
les mains d’une administration corrompue, incompétente et traîtresse.
— Donald : Je vois que Bruce Springsteen, complètement surcoté,
est allé dans un pays étranger pour mal parler du président des États-Unis. Je
ne l’ai jamais aimé, je n’ai jamais aimé sa musique, ni sa politique de gauche
radicale et, surtout, ce n’est pas un type talentueux – juste un idiot arrogant
et odieux. Ce pruneau desséché de rocker (sa peau est tout atrophiée !) devrait
GARDER SA BOUCHE FERMEE jusqu’à ce qu’il revienne dans le pays, c’est le juste
prix à payer. Ensuite, nous verrons tous comment cela se passe pour lui !
— Bruce : En Amérique, ils persécutent les gens qui utilisent leur
droit à la liberté d’expression et expriment leur désaccord.
— Neil : Nous n’avons pas peur de toi ! Arrête de te soucier de ce
que les rockeurs disent de toi et pense plutôt à sauver les États-Unis du chaos
que tu as foutu.
La question est : quelle
insulte va-t-il trouver pour Neil ?
jeudi 22 mai 2025
Sollers, le lecteur
Je feuillette mon exemplaire légèrement jauni de La Guerre du goût. A Paris, je lisais ses chroniques dans le Monde des livres installé à la terrasse d’un café, avant d’aller à ma leçon de conduite. Je me tenais immobile dans le bruit des voitures qui passaient sur le boulevard. Un peu de vent agitait les feuilles des arbres et je découvrais la poésie classique chinoise. Cette citation d’un poème de T’ao Yuan-Ming (365-427) a probablement dû m’enchanter.
Je lis la chronique des temps très anciens,
Je regarde les images du vaste monde.
Je dis oui à l’univers. Si cela n’est pas
Le bonheur, où donc est le bonheur ?
Aujourd’hui, c’est un passage
d’une nouvelle de Scott Fitzgerald intitulée L’après-midi d’un écrivain qui a retenu mon attention :
« Il traversa la salle à
manger et il entra dans son bureau, aveuglé, un instant, par l’éclat de ses
deux mille livres, dans le coucher du soleil. Il était assez fatigué – il
allait s’allonger pendant dix minutes, et puis il verrait s’il pouvait démarrer
sur une idée dans les deux heures qui lui restaient avant le dîner. »