G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

samedi 31 mai 2025

Lu


 Pierre Siniac, Les sauveurs suprêmes. Le livre est publié dans la Série noire mais il ne s’agit pas d’un roman noir. Je m’attendais à une sorte de polar à la française du genre Léo Mallet avec ambiances banlieusardes glauques et ton célinien. En fait, pas du tout. On a affaire à un récit de guerre très bien documenté. Trois paumés errants au milieu des décombres dans l’Italie de la fin de la deuxième guerre mondiale se retrouvent un peu par hasard réunis pour une mission : libérer un chef de la résistance antifasciste aux mains des SS qui s’apprêtent à le fusiller avant de battre en retraite devant la progression des Alliés. Le ton est assez original. Pas d’héroïsme idéalisé mais au contraire trois bonhommes assez minables motivés par une seule chose : l’appât du gain (on leur a promis une très grosse récompense). Siniac mène le récit d'un main de maître. 

vendredi 30 mai 2025

L’art de la lettre d’injures

 

On apprend, en lisant les Considérations sur l'assassinat de Gérard Lebovici, que celui-ci avait laissé des notes manuscrites pour le plan d’un livre intitulé Tout sur le personnage. A propos de l’activité d’écrivain de Lebovici, Debord précise : « Allant au plus pressé, c’est par la lettre d’injures qu’il avait commencé. » Il donne au passage une définition qui est aussi un mode d’emploi de ce qui est selon lui « une sorte de genre littéraire ». Debord reconnait avoir, sur ce point, « appris beaucoup des surréalistes et, par-dessus tout, d’Arthur Cravan. » La seule difficulté réside, selon lui, dans le fait d’être en droit de les écrire « à l’occasion, pour certains correspondants précis. » Car il importe que ces lettres ne soient jamais « injustes ». Dans un entretien, Manchette racontait qu’il en avait reçu une de Lebovici qui l’avait grandement affecté dans un premier temps. Par la suite, elle lui avait parue parfaitement justifiée.


jeudi 29 mai 2025

Aux derniers lecteurs

 

Il parait que les jeunes français lisent de moins en moins. Dommage pour eux. Ils ne connaîtront pas ce plaisir aristocratique : errer devant sa bibliothèque, s’emparer d’un livre sur une impulsion, l’ouvrir au hasard, comme je viens de le faire avec un livre de Cécile Guibert intitulé Pour Guy Debord. J’y puise quelques citations pour la journée.

Rimbaud : « Je songe à une Guerre, de droit ou de force, de logique bien imprévue. »

Godard : « Il y a la culture, qui est la règle, et il y a l’exception qui est de l’art. »

 Debord : « Le plus important est le plus caché. »


mercredi 28 mai 2025

Un peu de poésie



 The Laughing Heart

 

your life is your life

don’t let it be clubbed into dank submission.

be on the watch.

there are ways out.

there is a light somewhere.

it may not be much light but

it beats the darkness.

be on the watch.

the gods will offer you chances.

know them.

take them.

you can’t beat death but

you can beat death in life, sometimes.

and the more often you learn to do it,

the more light there will be.

your life is your life.

know it while you have it.

you are marvelous

the gods wait to delight

in you.

 

Charles Bukowski

mardi 27 mai 2025

Signes annonciateurs


 Dans un roman du XIXème comme Pierre et Jean de Maupassant qui se trouve actuellement sur ma table de nuit, le récit est parsemé de signes annonçant les évènements dramatiques à venir. C’est l’occasion pour le spécialiste qui a préfacé le roman de semer des notes au fil du texte en soulignant les récurrences de certains mots, de certains thèmes et en pointant des détails annonciateurs dissimulés dans le décor. On peut trouver le procédé un peu lourd et, finalement, assez peu réaliste. Jusqu’au moment où on repense à des scènes passées qui ont suscité un malaise inexplicable à l’époque et qui aujourd’hui résonnent de manière troublante, maintenant qu’on connait la suite. Les signes avant-coureurs existent donc en dehors des romans. Hélas, le plus souvent, nous n’avons pas su (ou voulu) les détecter.

lundi 26 mai 2025

Questionnaire



(J’ai recopié des questions posées par le Point à Antoine De Caunes.)

Quel est le premier livre qui vous a marqué ?

On achève bien les chevaux d’Horace McCoy. Je l'ai toujours. Le livre trainait dans la chambre de ma grande sœur. Je me suis toujours demandé pourquoi vu qu’elle ne lisait pratiquement rien à part Salut les Copains.

La première séance de cinéma dont vous vous souvenez ?

Bonnie and Clyde au cinéma du village. C’était un évènement. Il y avait plein de voitures garées le long de la route, la salle était bondée. Une ambiance inoubliable et un film que je revois souvent.

Votre premier disque vinyle ou cassette ?

Format 45 tours : Love Like A Man de Ten Years After acheté à un grand du collège qui revendait ses disques.

Format 33 tours : Sticky Fingers. Un choc (et pas seulement à cause de la pochette de Warhol)

Votre série télé d'enfance ?

Belle et Sébastien

Aviez-vous des posters dans votre chambre ?

Plein, pour dissimuler le papier peint à fleurs. Mais je ne me souviens que d’un : l’affiche des Who « Maximum rythm & blues » qui était offerte dans la pochette de l’album Live At Leeds.

Vous vous occupiez comment, ado ?

Ecouter des disques, lire la presse musicale, rêvasser.

Vous écoutiez quoi ?

Les Who et les Stones, beaucoup. Et pas du tout les Beatles.

Un roman récent qui vous a marqué ?

Tiens ! C’est le même que De Caunes. J'écris l'Iliade, de Pierre Michon 

 

 

 

 


samedi 24 mai 2025

LE RAP DU MATIN



 Un peu de pluie ce matin

ça fait du bien au jardin

le téléphone sonne

il n’y a personne

j’aimerais seulement trouver

un peu de tranquillité

tous les politiciens

me font marrer

le rap me tape

sur les nerfs

toutes la Gaëlle sont

des grosses connes

vise un peu la punchline 

tiens le soleil revient







vendredi 23 mai 2025

« Pruneau desséché » (dialogue démocratique)

 

— Bruce : Chez moi, l’Amérique que j’aime, celle sur laquelle j’ai écrit, ce symbole d’espoir et de liberté pendant 250 ans, est actuellement dans les mains d’une administration corrompue, incompétente et traîtresse.

— Donald : Je vois que Bruce Springsteen, complètement surcoté, est allé dans un pays étranger pour mal parler du président des États-Unis. Je ne l’ai jamais aimé, je n’ai jamais aimé sa musique, ni sa politique de gauche radicale et, surtout, ce n’est pas un type talentueux – juste un idiot arrogant et odieux. Ce pruneau desséché de rocker (sa peau est tout atrophiée !) devrait GARDER SA BOUCHE FERMEE jusqu’à ce qu’il revienne dans le pays, c’est le juste prix à payer. Ensuite, nous verrons tous comment cela se passe pour lui !

— Bruce : En Amérique, ils persécutent les gens qui utilisent leur droit à la liberté d’expression et expriment leur désaccord.

— Neil : Nous n’avons pas peur de toi ! Arrête de te soucier de ce que les rockeurs disent de toi et pense plutôt à sauver les États-Unis du chaos que tu as foutu. 

La question est : quelle insulte va-t-il trouver pour Neil ?


jeudi 22 mai 2025

Sollers, le lecteur


 Je feuillette mon exemplaire légèrement jauni de La Guerre du goût. A Paris, je lisais ses chroniques dans le Monde des livres installé à la terrasse d’un café, avant d’aller à ma leçon de conduite. Je me tenais immobile dans le bruit des voitures qui passaient sur le boulevard. Un peu de vent agitait les feuilles des arbres et je découvrais la poésie classique chinoise. Cette citation d’un poème de T’ao Yuan-Ming (365-427) a probablement dû m’enchanter.

Je lis la chronique des temps très anciens,

Je regarde les images du vaste monde.

Je dis oui à l’univers. Si cela n’est pas

Le bonheur, où donc est le bonheur ?

Aujourd’hui, c’est un passage d’une nouvelle de Scott Fitzgerald intitulée L’après-midi d’un écrivain qui a retenu mon attention :

« Il traversa la salle à manger et il entra dans son bureau, aveuglé, un instant, par l’éclat de ses deux mille livres, dans le coucher du soleil. Il était assez fatigué – il allait s’allonger pendant dix minutes, et puis il verrait s’il pouvait démarrer sur une idée dans les deux heures qui lui restaient avant le dîner. »