G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

mercredi 14 mai 2025

Slogan


 « J’écris, c’est cela l’important. Non pas ce que j’ai écrit, mais le fait d’écrire en soi. » Je voulais développer un peu sur le thème de l’écriture à partir de cette citation d’Henry Miller et puis j’ai dérivé en ironisant sur les incitations à la lecture. Je reprends le fil. Cette phrase correspond à ce qui m’anime ici. J’ai d’ailleurs déjà dû formuler cette idée plusieurs fois dans les carnets. J’ai songé à la placer en exergue dans un coin du blog mais j’ai la flemme, et puis j’ai trouvé que ce serait prétentieux et ridicule. Pas de déclarations, des actes. Comme Dolly Parton qui, je l’ai appris en regardant un documentaire (sur Arte), a créé une fondation pour distribuer des livres aux enfants. C’est plus efficace que les discours sur les bienfaits de la lecture.



mardi 13 mai 2025

FATIGUE


 est-ce le temps

son passage permanent

les accumulations

de minutes

d’années

de décennies

cela peut finir par peser

 

est-ce l’usure provoquée

par la vie en société

les rencontres inutiles

les malentendus inévitables

les conflits incertains

 

tout ira mieux demain

après une bonne nuit

lundi 12 mai 2025

Vive la lecture !


 Maintenant qu’il s’agit d’une cause perdue, on peut bien l’encourager (surtout auprès des jeunes) ; c’est sans risque. La lecture est une activité d’individu solitaire, égoïste, asocial. Elle est à l’opposé des élans collectifs que la société tente d’encourager par tous les moyens avec plus ou moins de succès : finale de foot, nouveau pape, guerres et commémorations, mort d’une célébrité du spectacle... La lecture est dans notre cas une mauvaise habitude prise très tôt pour échapper à l’ennui de la famille, de l’internat, du travail. Une évasion ? Vous ne croyez pas si bien dire. Mais, c’est le côté un peu magique de la chose, tout en étant ailleurs, et parfois très loin, on se trouve intensément présent durant le temps de la lecture. C’est inexplicable, surtout pour les non-lecteurs ou pour ceux qui lisent uniquement dans le but de se rendre plus efficaces (on dit « monter en compétence »). Lire ne sert qu’à une chose : donner du plaisir à celui qui s’y adonne et rien d’autre.

 

samedi 10 mai 2025

La véritable histoire d'Actéon

 

J’apprécie particulièrement, dans J’écris l’Illiade, la proximité naturelle avec les dieux. Comme ça, sans préliminaires ni emphase, sans invocation occulte et surtout rien de religieux. Le monde d’avant (le vrai), comme si les siècles de monothéisme avaient compté pour du beurre. Et avec une grande inventivité, comme lorsque nous sommes entrainés dans les pas d’Actéon. Le récit mythologique, je l’avais découvert avec le tableau de François Clouet intitulé « Le bain de Diane » exposé au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Michon le connait de l’intérieur ; il y était. Et il sait comment les choses se sont passées. Contrairement à ce que raconte la légende, la déesse pudique n’a pas été surprise dans sa nudité par le chasseur curieux. Ce qui s’est joué entre eux deux relève de la complicité silencieuse, un échange visuel du type exhibition/voyeurisme. La déesse étant allée trop loin dans le plaisir pris à ce jeu, on comprend mieux la violence avec laquelle elle a châtié son complice.


vendredi 9 mai 2025

La Grande Ourse


 Effet Michon ? Une irrésistible envie s’est emparée de moi : remonter du côté de Rimbaud, vers la Grande Ourse, en passant (et oui !) par Sollers, l’un de mes critiques littéraires favoris. J’ouvre La Guerre du goût. « C’est l’été. Je suis à Long Island. Je relis les Illuminations, le livre qui restera lorsque plus personne ne se souviendra de rien. » (Y sommes-nous ?) « En ce temps-là, seuls quelques rares passants pourrons se promener dans l’après-monde comme s’il s’agissait d’un volume ouvert à chaque moment. Je vois des phrases, des mots, les syllabes me guettent, on dirait que les signes palpitent comme ce qui fut autrefois paysage et tableau. J’éteins la télévision. » (Aujourd’hui, on dirait l’ordinateur ou le téléphone). C’est parti. Direction Rimbaud. Je prends puis repose le livre de poche de mes 17 ans. Les pages se détachent et menacent de s’envoler. Je me rabats sur un livre de lycée (Garnier-Flammarion) plus austère. 17 ans, c’était le bon âge pour lire Sensation et La Saison en enfer. Je compte sur mes doigts. Aucun doute, cela se passait en 1975. Ce qui confirmerait l’existence d’un pont temporel quantique avec ce que nous appelons aujourd’hui ?

jeudi 8 mai 2025

1975 (suite)

 

Je parcours la liste d’évènements qui se sont déroulés cette année-là et je réalise à quel point l’actualité nous laissait indifférents. La mort de Franco avait donné lieu à une couverture amusante de Reiser. C’est à peu près tout ce que j’ai retenu. Ce n’était pas un sujet de discussion entre nous. Le sujet important, c’était l’information concernant la prochaine boum, « fête musicale et dansante organisée par des adolescents », nous dit wiki qui précise que la boum est « fortement connotée aux premiers émois amoureux et à l'éveil sexuel des adolescents, à travers leurs premiers slows, dans les années 1960 et 1970. » Je ne me souviens pas de slows plus ou moins torrides. On passait plutôt notre temps à sauter sur place sur Midnight Rambler dans la version live. Après nous être secoués en rythme, nous nous écroulions inondés de sueur, souvent trop ivres pour nous occuper des filles qui devaient terriblement s’ennuyer.


mercredi 7 mai 2025

Obsession

 

J’aime bien trouver chez des gens de ma génération une certaine constance dans l’attachement à ce qui fut notre passion adolescente : le rock. En même temps, je mesure ce que cet intérêt démesuré pour un style musical peut avoir d’envahissant et parfois de limité. J’évite d'ailleurs les contacts à cause de l’image en miroir qu’ils me renvoient. Je comprends trop bien le besoin de se rassurer en tournant indéfiniment autour du déjà connu. Je suis moi-même toujours à la limite de rechuter. En ce moment, par exemple, je réécoute les Who et j'y prends un grand plaisir.

mardi 6 mai 2025

Abondance

 

Avec Pierre Michon cuvée 2025, on a à la fois une écriture qualité supérieure et du sexe. Des pages lyriques pour décrire le remplissage d’une locomotive à vapeur lors d’une halte de nuit en rase campagne. Le bras de la citerne au-dessus de la locomotive dont le moteur tourne au ralenti en laissant échapper des bruits évocateurs devient alors, dans la prose fiévreuse de Michon, une métaphore excitante de l’acte sexuel. Des pages lubriques dans lesquelles le jeune narrateur s’abandonne dans un compartiment avec une brune qui jouit en criant Mamma Mia. On enchaine avec le vieil Homère rêvant de la très désirable Hélène, prostituée sublime, qualifiée de « chair à dieux ». Puis soudain, au détour d’un souvenir, on tombe sur cette phrase : « L’homme est une machine de guerre ; dès qu’il vous rencontre, il note avec soin les points faibles de votre citadelle. » Le reste est souvent de ce niveau. On pense à Salammbô plus d’une fois, ce qui donne une idée du niveau. On se prend à s’inquiéter pour les prochaines lectures qui risquent de paraître fadasses. Mais c’était déjà le cas avec Jim Thompson. Tous les bons livres, en fait.


lundi 5 mai 2025

ECRIRE

 

Bill Térébenthine

certains textes sont dictés

pendant une insomnie

ou pendant la promenade du chien

il faut tenter de les retenir

ou les noter lorsque c’est possible

il y en a qui s’écrivent

au fur et à mesure

comme ça

parce qu’il fait trop chaud

pour lire

regarder un film

ou dessiner

écrire en écoutant

de la musique

demande moins d’effort

on savoure le fait

d’avoir cette possibilité

il serait dommage

de ne pas en profiter