G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

samedi 2 août 2025

Un peu d'histoire



Le roman de Philip Roth se déroule en 2004, l’année de la réélection de George W. Bush qui l’emporta face au démocrate John Kerry. Le soir des élections, Zuckerman se trouve en compagnie de Jamie et Billy, un jeune couple qui a voté Kerry et qui découvre, effondré, le résultat. Voici comment Roth décrit la situation. « Ils avaient beau être intelligents, savoir s’exprimer, et faire preuve de bonne éducation, et Jamie avait beau connaître à fond l’Amérique riche des Républicains et le type d’ignorance que produit le Texas, ils n’avaient pas la moindre idée de ce qu’était la grande masse des Américains, et ils n’avaient jamais perçu si clairement que ce n’étaient pas les gens instruits et cultivés comme eux qui allaient décider du sort de l’Amérique mais les dizaines de millions de gens différents d’eux qui venaient de donner à Bush pour la seconde fois l’occasion, comme l’avait dit Billy, « de ruiner quelque chose de grand ». Qui a dit que l’histoire ne se répétait pas ? Et qui a dit que lorsqu’elle le faisait, c’était sous la forme d’une farce ?

 


vendredi 1 août 2025

FAIRE AVEC

Bill Térébenthine


d’une manière

ou d’une autre

il faut faire avec

l’énorme show

obscène

qui se déroule

partout

tout le temps

 

tu peux éteindre

tous les écrans

couper la radio

éviter les journaux

tu ne peux échapper au monde

des influenceurs fascistoïdes

des poètes TikTok

des rêves totalitaires

des empereurs de la Tech

et des politiciens milliardaires

 

cela ne t’empêchera pas

de marcher sur les trottoirs

en regardant devant toi

sans obstacle visuel

sans téléphone devant les yeux

 

personne ne peux

t’obliger à vivre

selon la loi des zombies

ils n’ont pas encore

trouvé le moyen

de t’empêcher

de rêver

 

jeudi 31 juillet 2025

La dernière aventure de Nathan Zuckerman


 

C’est le dernier volume de la série de romans avec le personnage Nathan Zuckerman, double romanesque de Philip Roth. Dans Exit le fantôme, Zuckerman a quelques années de plus que moi (quatre exactement) et il n’est pas très en forme. C’est un écrivain célèbre qui a choisi de quitter New York pour se retirer dans un coin perdu à l’écart de tout. Je ne sais pas si cela correspondait exactement à sa situation au moment où Roth écrivait ce livre et ce n’est pas très intéressant. Il se méfiait des biographies (je l’ai lu dans un article du New Yorker). Ce qui m’intéresse surtout, c’est la description d’un mode de vie : le retrait à l’écart du monde, la vieillesse qui progresse, la solitude choisie, le sentiment de liberté qui accompagne cet écart. Tout cela est très bien décrit par Philip Roth dans ces pages.

mercredi 30 juillet 2025

L'imprévu et la planification

Photographie : Brigitte Lacombe


L’autre jour sur France Inter, « une voix incontournable de la scène émergente » dont j’ai oublié le nom chantait un refrain qui demandait « pourquoi tout est imprévu dans la vie ? ». Quelques éléments biographiques sont rapidement venus étayer ce constat assez vertigineux. Rencontres improbables débouchant sur des relations qui durent ; choix aléatoires concernant les études, le travail, le lieu d’habitation, etc. Puis j’ai pensé à l’attitude opposée, aux planificateurs, ceux qu’on appelle les control freaks. Philip Roth dresse dans Exit le fantôme le portrait d’un voisin de Zuckerman qui incarne cette approche dans une version radicalisée : il avait entièrement planifié le déroulement de son existence à l’âge de 10 ans en notant dans un cahier ses projets qu’il a méthodiquement réalisés, dans le bon ordre et en les cochant au fur et à mesure. Seule sa mort qui l’a pris par surprise. 

 

mardi 29 juillet 2025

Commencement

 


Bill Térébenthine dit que dans ses dessins et ses peintures, il préfère les débuts, lorsque tout est ouvert, plein de virtualités. C’est un peu la même chose lorsque je lis les premières pages d’un livre et que celui-ci se présente bien. C’est le cas avec Exit le fantôme de Philip Roth. L’ouverture est un modèle du genre, directe, implacable, parfaite. « Je n’étais pas retourné à New York depuis onze ans. A part un bref séjour à Boston afin d’y subir l’ablation de la prostate pour cause de cancer, j’étais, au cours de ces onze années, à peine sorti de mon coin perdu dans les hauteurs des Berkshires et qui plus est, depuis le 11-Septembre, il y a trois ans, j’avais rarement lu un journal ou écouté les nouvelles ». C’est un plaisir de retrouver Roth, son rythme, sa lucidité, son humour. Quand à la question de savoir pourquoi j’ai envie de lire l’histoire d’un homme de 71 ans atteint d’un cancer, j’avoue ne pas avoir d’explication. Il y a quelques années, le sujet m’aurait fait fuir. D’ailleurs, j’avais évité de lire ce roman à sa sortie.  


lundi 28 juillet 2025

1975 (suite)

 



La vieillesse est un massacre pour les souvenirs. Alors que l’été 75 fut celui des découvertes et des révélations concernant les filles de notre âge ou même un peu plus âgées, envisagées enfin de près et sous tous leurs aspects, ce qui subsiste à la surface de la mémoire ce sont de longues poses en terrasse au retour de la plage avec en fond sonore le tube de cet été lointain. C’est comme ça, avec l’insouciance : elle ne peut pas laisser derrière elle des souvenirs précis. Elle profite des images qui se présentent : corps dénudés, bronzage intégrale, seins nus couverts de gouttes d’eau après la baignade, une chanson de Joe Dassin. C’est peu.

samedi 26 juillet 2025

Fragments

Bill Térébenthine

 

Les lectures filent. Il reste quelques citations. Matthieu Galey, à la lecture de Guerre et paix (qui m’attend, lui aussi, dans la bibliothèque) : « Pourquoi la tristesse en demi-teinte de ce monde me remplit-elle d’une joie si forte ? » et cet aphorisme : « Il est des jours où l’on a envie de se demander pardon. » Beaucoup de fusée également chez Alain Chany, qui n’en est pas avare. J’en ai relèvé une qui passait. « Il fait un soleil qui se moque du reste. »

vendredi 25 juillet 2025

Les penseurs ruraux du temps passé


 

«  D’un air ravissant, il conclut : « Entre nous, la vie, somme toute, c’est une merde... mais une merde tellement formidable à vivre... » Ses traits signifièrent une fatigue aimable, une sagesse régionaliste. Il tira une bouffée de sa pipe en cep de vigne sûrement, vous savez, de ces grosses pipes qui se les emmanche l’air de tout entériner, de tout comprendre, de tout admettre – dans le doute -, de tout assimiler – dans la patience – et de tout aimer ou presque – dans la connaissance. » (Alain Chany, L’Ordre de dispersion) On en a croisé des comme ça dans les années 70lorsqu’on traversait en faisant du stop des zones désertiques de la campagne française. Ils étaient les seuls à s’arrêter dans leur 2CV ou leur 4L. Barbus, rugueux, silencieux au début, ils devenaient bavards lorsqu’ils allumaient leur pipe au coin du feu pour une petite soirée philosophico-politique sur le thème inévitable de la fin de notre civilisation à plus ou moins court terme. Il fallait écouter et relancer. En échange de l’hébergement.  

jeudi 24 juillet 2025

Admirable

 

Je crois que nous tenons notre French Trump. Comme il s’agit d’une femme, on pourrait parler de French Trumpette. Je veux parler de la ministre de la culture, une authentique femme d’affaires dans tous les sens du terme. Comme le modèle américain de référence, elle a du talent pour faire rentrer l’argent by any means necessary. Et comme lui, elle attaque sans ménagement ceux, juges ou journalistes, qui osent pointer les éventuels écarts dans la manière d’accumuler les gains financiers. L’ancienne garde des Sceaux est aussi une femme de dossiers. Le jeu de l’été consistera à observer qui viendra courageusement à son secours et affichera son soutien.