G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

samedi 22 novembre 2025

Lire en faisant la cuisine

Tout à l’heure, en préparant le dîner, j’ai lu un passage du Journal de Matthieu Galley dans lequel il évoquait une soirée où se trouvait « un Aragon détendu » (bien sûr accompagné de l’inévitable Elsa). L’occasion d’un portrait dont je me suis régalé. « Il crée consciemment le malaise, il aime que l’air, autour de lui, soit électrique. Mais c’est lui-même qui branche le courant. »

 

 

vendredi 21 novembre 2025

Actualités de l’IA

 


« Halluciner, percevoir ou sentir quelque chose qui n’existe pas, est souvent le signe d’un trouble psychologique. C’est pourtant ainsi que les firmes de la tech ont choisi de désigner les affirmations erronées produites par l’IA. Une manière d’anthropomorphiser la machine jusque dans ses manquements. Le vocable, pourtant, n’est pas dénué d’intérêt. « Certains critiques du terme considèrent qu’“hallucination” devrait être utilisé pour décrire le fonctionnement même des IA génératives, plutôt que leurs dysfonctionnements, s’amuse Gustavo Gomez-Mejia. En effet, parce que ces modèles statistiques n’ont pas de conception du réel, ils “parient” constamment sur la réponse la plus probable – et ce n’est que dans certains contextes que le produit de ce pari s’avère coïncider avec le réel, par une sorte de “faux raccord”.» Considérer les agents conversationnels pour ce qu’ils sont – non pas des intelligences omniscientes, mais des machines à halluciner – aurait à tout le moins l’intérêt de préserver ce qui peut l’être du fragile consensus sur la réalité. »   Le Monde

jeudi 20 novembre 2025

Ce qui compte vraiment

 

Portrait de Nikita Khrushchev en 1964

Lu dans le Journal de Matthieu Galey un passage qui résonne particulièrement avec le recul du temps. L’auteur évoque un bref moment de bonheur et s’exclame. « Certains miracles existent. Il suffit de savoir les surprendre. Parfait bonheur d’un instant, tandis que Khrouchtchev disparaît, que les Chinois font exploser leur première bombe atomique... Aux yeux de Dieu, de l’absolu, je suis sûr que c’est cette joie passagère qui compte. Tout le reste est une pantalonnade. On ne m’enlèvera jamais cela, ce rien, qui est essentiel. De Gaulle, Kossyguine, etc., ils passeront tous ; on ne comprendra plus rien à leurs mobiles absurdes. Mais un instant de bonheur, on saura toujours ce que c’est.» Et oui. On pourrait écrire exactement la même chose aujourd’hui en remplaçant les noms par ceux qui saturent l'espace informationnel.

 

  

 


mercredi 19 novembre 2025

Feuilles mortes


 

Que vois-je ?

pas de pluie prévue à midi

la promenade du chien aura bien lieu

sans presser le pas sous la menace d’une averse

mine de rien ce petit tour

tient une place importante

dans l’équilibre de la journée

marcher dehors

regarder le monde autour

croiser des gens de tous les âges

entendre les bruits de la rue

toutes ces sensations viennent contrebalancer

les données immatérielles transmises

par les appareils électroniques

car le vent ne pousse pas les feuilles

sur les trottoirs numériques

mardi 18 novembre 2025

Danser et chanter sur la montagne

 


"Souvent, épuisé, avant la fin du concert, il s'enfuira, quittera la scène, le théâtre et la ville, s'enfoncera dans la nuit, disparaîtra avant l'aube à bord d'une limousine silencieuse glissant sous la pluie, à bord d'un camion blanc, dans une barque. Il quittera l'aquarium pour aller respirer l'air frais du fleuve, pour courir sur les collines, pour danser et chanter sur la montagne. Il quittera la ville, empruntant les artères désertes et sombres, les rues en pente, les boulevards aux arbres noirs. Il glissera jusqu'au fleuve, il roulera dans les boues du printemps ou dans la neige épaisse. La lune éclairera ses poignets mouillés, son blouson de cuir ruisselant. Il ira n'importe où et reviendra fatigué, boueux, maussade."

 Eugène Savitzkaya, Un jeune homme trop gros

lundi 17 novembre 2025

Flashbacks


 

J’ai toujours un pied dans les années 70. Pas en permanence, mais j’ai des flashs (comme on disait). Ce ne sont pas des souvenirs au sens strict du terme, plutôt des sensations qui surgissent, accompagnées d’émotions fugitives. Ces états qui durent peu de temps semblent restituer des états de conscience qui seraient restés conservés intacts. Où ? Difficile à dire. On peut parler de mémoire émotionnelle qui se déclencherait selon des associations involontaires. Ce qui est troublant, c’est l’irruption du passé. Il parait que les personnes qui ont ce trouble appelé TDAH ont un rapport au temps différent. Cela vient du cerveau qui est câblé de manière différente. C’est la raison pour laquelle on parle de « neurodivergents ». Le problème, c’est que nous sommes une minorité (3,5 % environ pour les adultes). Nous avons du mal à comprendre le monde qui nous entoure qui est conçu par et pour les personnes dont le cerveau est considéré comme normal. On les appelle « neurotypiques ». Je suppose qu’ils ne sont pas assaillis à l’improviste par des émotions et des sensations remontant d’un lointain passé comme des personnages de Philip K. Dick.

samedi 15 novembre 2025

Le futur a commencé


 

Dans ma voiture, j’avoue avoir beaucoup de mal à utiliser la commande vocale pour demander au GPS de me conduire à une adresse. A chaque fois que j’essaie de me lancer ma voix reste coincée au fond de ma gorge. Le ridicule de la situation, probablement. Le robot ne comprend pas et affiche sur l’écran « Je ne parviens pas à comprendre votre demande. Veuillez recommencer. » Cette réaction me bloque encore plus. Il faut pourtant s’entrainer. Notre environnement pourrait changer plus rapidement que ce que nous avons connu depuis une trentaine d’années. La journée commencera bientôt par une demande adressée à une cafetière, comme dans un vieux roman de science-fiction. J’essaie de me convaincre que cela pourrait être amusant au lieu d’être inquiétant. Pour l’instant, mes efforts d’adaptation n’ont rien donné.

vendredi 14 novembre 2025

Soir d'automne


 

Il fait doux. Un soir de novembre qui ressemble au mois d’avril. Le réchauffement et sa menace plane dans l’air. Les lumières se reflètent sur l’eau noire de la rivière. Sur les quais, un son de saxophone dans lequel je crois reconnaitre un air connu. En approchant, la mélodie jouée à tâtons se précise : il s’agit de Fly Me To The Moon. Le musicien la reprend encore et encore. J’imagine qu’il a quitté un appartement pour venir travailler son instrument au bord de l’eau.

jeudi 13 novembre 2025

Le temps est-il une illusion ?

 

Lorsque je promène le chien du côté des immeubles HLM, j’aperçois souvent un vieux monsieur qui marche lentement en poussant un déambulateur contenant ses sacs de courses. Il porte un petit chapeau assez élégant, se tient bien droit et, chose devenue rare, fume constamment une cigarette sur laquelle il tire avec énergie. A chaque fois qu’il apparait sur le trottoir, j’ai l’impression que ce personnage a une dimension symbolique sans bien savoir de quoi exactement. Hier, je crois avoir trouvé. La scène qui se répète à l’identique a un rapport avec le temps qui semble ralentir sur son passage, presque jusqu’au point de s’immobiliser.