G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

jeudi 31 juillet 2025

La dernière aventure de Nathan Zuckerman


 

C’est le dernier volume de la série de romans avec le personnage Nathan Zuckerman, double romanesque de Philip Roth. Dans Exit le fantôme, Zuckerman a quelques années de plus que moi (quatre exactement) et il n’est pas très en forme. C’est un écrivain célèbre qui a choisi de quitter New York pour se retirer dans un coin perdu à l’écart de tout. Je ne sais pas si cela correspondait exactement à sa situation au moment où Roth écrivait ce livre et ce n’est pas très intéressant. Il se méfiait des biographies (je l’ai lu dans un article du New Yorker). Ce qui m’intéresse surtout, c’est la description d’un mode de vie : le retrait à l’écart du monde, la vieillesse qui progresse, la solitude choisie, le sentiment de liberté qui accompagne cet écart. Tout cela est très bien décrit par Philip Roth dans ces pages.

mercredi 30 juillet 2025

L'imprévu et la planification

Photographie : Brigitte Lacombe


L’autre jour sur France Inter, « une voix incontournable de la scène émergente » dont j’ai oublié le nom chantait un refrain qui demandait « pourquoi tout est imprévu dans la vie ? ». Quelques éléments biographiques sont rapidement venus étayer ce constat assez vertigineux. Rencontres improbables débouchant sur des relations qui durent ; choix aléatoires concernant les études, le travail, le lieu d’habitation, etc. Puis j’ai pensé à l’attitude opposée, aux planificateurs, ceux qu’on appelle les control freaks. Philip Roth dresse dans Exit le fantôme le portrait d’un voisin de Zuckerman qui incarne cette approche dans une version radicalisée : il avait entièrement planifié le déroulement de son existence à l’âge de 10 ans en notant dans un cahier ses projets qu’il a méthodiquement réalisés, dans le bon ordre et en les cochant au fur et à mesure. Seule sa mort qui l’a pris par surprise. 

 

mardi 29 juillet 2025

Commencement

 


Bill Térébenthine dit que dans ses dessins et ses peintures, il préfère les débuts, lorsque tout est ouvert, plein de virtualités. C’est un peu la même chose lorsque je lis les premières pages d’un livre et que celui-ci se présente bien. C’est le cas avec Exit le fantôme de Philip Roth. L’ouverture est un modèle du genre, directe, implacable, parfaite. « Je n’étais pas retourné à New York depuis onze ans. A part un bref séjour à Boston afin d’y subir l’ablation de la prostate pour cause de cancer, j’étais, au cours de ces onze années, à peine sorti de mon coin perdu dans les hauteurs des Berkshires et qui plus est, depuis le 11-Septembre, il y a trois ans, j’avais rarement lu un journal ou écouté les nouvelles ». C’est un plaisir de retrouver Roth, son rythme, sa lucidité, son humour. Quand à la question de savoir pourquoi j’ai envie de lire l’histoire d’un homme de 71 ans atteint d’un cancer, j’avoue ne pas avoir d’explication. Il y a quelques années, le sujet m’aurait fait fuir. D’ailleurs, j’avais évité de lire ce roman à sa sortie.  


lundi 28 juillet 2025

1975 (suite)

 



La vieillesse est un massacre pour les souvenirs. Alors que l’été 75 fut celui des découvertes et des révélations concernant les filles de notre âge ou même un peu plus âgées, envisagées enfin de près et sous tous leurs aspects, ce qui subsiste à la surface de la mémoire ce sont de longues poses en terrasse au retour de la plage avec en fond sonore le tube de cet été lointain. C’est comme ça, avec l’insouciance : elle ne peut pas laisser derrière elle des souvenirs précis. Elle profite des images qui se présentent : corps dénudés, bronzage intégrale, seins nus couverts de gouttes d’eau après la baignade, une chanson de Joe Dassin. C’est peu.

samedi 26 juillet 2025

Fragments

Bill Térébenthine

 

Les lectures filent. Il reste quelques citations. Matthieu Galey, à la lecture de Guerre et paix (qui m’attend, lui aussi, dans la bibliothèque) : « Pourquoi la tristesse en demi-teinte de ce monde me remplit-elle d’une joie si forte ? » et cet aphorisme : « Il est des jours où l’on a envie de se demander pardon. » Beaucoup de fusée également chez Alain Chany, qui n’en est pas avare. J’en ai relèvé une qui passait. « Il fait un soleil qui se moque du reste. »

vendredi 25 juillet 2025

Les penseurs ruraux du temps passé


 

«  D’un air ravissant, il conclut : « Entre nous, la vie, somme toute, c’est une merde... mais une merde tellement formidable à vivre... » Ses traits signifièrent une fatigue aimable, une sagesse régionaliste. Il tira une bouffée de sa pipe en cep de vigne sûrement, vous savez, de ces grosses pipes qui se les emmanche l’air de tout entériner, de tout comprendre, de tout admettre – dans le doute -, de tout assimiler – dans la patience – et de tout aimer ou presque – dans la connaissance. » (Alain Chany, L’Ordre de dispersion) On en a croisé des comme ça dans les années 70lorsqu’on traversait en faisant du stop des zones désertiques de la campagne française. Ils étaient les seuls à s’arrêter dans leur 2CV ou leur 4L. Barbus, rugueux, silencieux au début, ils devenaient bavards lorsqu’ils allumaient leur pipe au coin du feu pour une petite soirée philosophico-politique sur le thème inévitable de la fin de notre civilisation à plus ou moins court terme. Il fallait écouter et relancer. En échange de l’hébergement.  

jeudi 24 juillet 2025

Admirable

 

Je crois que nous tenons notre French Trump. Comme il s’agit d’une femme, on pourrait parler de French Trumpette. Je veux parler de la ministre de la culture, une authentique femme d’affaires dans tous les sens du terme. Comme le modèle américain de référence, elle a du talent pour faire rentrer l’argent by any means necessary. Et comme lui, elle attaque sans ménagement ceux, juges ou journalistes, qui osent pointer les éventuels écarts dans la manière d’accumuler les gains financiers. L’ancienne garde des Sceaux est aussi une femme de dossiers. Le jeu de l’été consistera à observer qui viendra courageusement à son secours et affichera son soutien.


mercredi 23 juillet 2025

Le livre de l'été 2025

 

J’aime la manière dont Alain Chany a écrit L’Ordre de dispersion. Cela fait du bien quand on lit cette prose tellement poétique qu’elle en devient autre chose, une forme inconnue qu’on ne peut qu’entrevoir par moments, dans une certaine disposition. Il s’agit, à ma connaissance, de l’une des meilleures descriptions littéraires de ce que fut mai 68 par ceux qui l’ont vécu du bon côté. J’aime sa façon d’aligner les mots, les phrases, les idées, à la manière d’un jazzman revenant régulièrement sur son thème après avoir divagué en liberté en dehors des clichés balisés. Au début du roman, le narrateur qui enseigne la philosophie doit faire un discours de remise de prix dans l’établissement où il enseigne. Extrait  du discours : « Nous fuyons la fuite et cela ne va pas tout seul : nous sommes en éveil permanent, malgré ce qui peut paraître. Nous ne chanterons pas la romance qui calme, ni le système engourdissant. Nous essaierons de faire des feux de joie, malgré tout ; nous aurons donc beaucoup d’ennemis. » Le discours continue sur cette lancée. Il suscite un tollé d’indignation chez les parents d’élèves. Le directeur, qui est un curé, explique au professeur que de tels propos ne peuvent être tolérés dans un lycée privé très strict sur les valeurs morales. Le professeur de philosophie et narrateur apprend qu'il est renvoyé.


mardi 22 juillet 2025

Magie

 

Et voilà. J’ai replongé. Il m’aura suffi de regarder la vidéo mentionnée précédemment, dans laquelle on peut voir la jeune Martha Argerich en état de grâce interpréter ce qu’on peut considérer comme l’un de ses tubes. J’ai enchaîné avec un documentaire où on la voit jouer chez elle en compagnie de son mari chef d’orchestre. Et c’est la rechute. J’ai actionné le lecteur multimédia de l’ordinateur, j’ai sélectionné les enregistrements de la pianiste qui se trouvent sur le disque dur (74 fichiers affichés) et depuis, je fais tourner. Ravel, Chopin, Bartók, Prokofiev, Schumann, Bach.... La musique agit comme une drogue ; les neuroscientifiques doivent être en mesure de confirmer ce fait.