Aujourd’hui : retrouver un livre
dans sa bibliothèque après l’avoir longuement cherché en vain. Au départ, il y avait le
podcast d’un entretien avec Jacques Rancière à propos des Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme de Schiller. Etant
donné le débit accéléré de Rancière, je m’accrochais pour ne pas rater un bout,
ne pas perdre le fil. Cela n’aurait pas dû poser trop de difficultés. Mais une pensée parasite venait
distraire mon attention. J’étais certain d’avoir le livre de Schiller quelque part dans la
bibliothèque et je devais me retenir pour ne pas me lever de mon fauteuil pour
aller vérifier. Dès la fin de l’émission, j’ai bondi pour aller fouiller les rayons. Pas trouvé du côté de la philo, rien non plus du côté des livres sur l’art. J’en venais à penser que
j’avais dû rêver. J’avais envisagé de l’acheter sans passer à l’acte. Comme
souvent dans ce genre de situation, c’est au moment où je me résignais à
abandonner les recherches que l’objet m’est soudain apparu en partie dissimulé
derrière une carte postale reproduisant une œuvre de Jasper Johns.
mardi 30 septembre 2025
Les joies de l’existence dont on aurait tort de se priver
lundi 29 septembre 2025
Journal de Matthieu Galey (suite)
Journal de Matthieu Galey (suite). Toujours bien écrit, vif,
rarement ennuyeux. Les scènes décrites et les portraits nous transportent dans
un monde dépaysant et politiquement agité au tournant des années 60. Les échos
de la guerre d’Algérie se font entendre. Un soir, au cours d’un dîner
littéraire, les débats virent à l’affrontement
entre invités de gauche et de droite. Conclusion : « Les opinions politiques
des littérateurs sont toujours déraisonnables, plus esthétiques ou morales que
fondées. Pour quel motif logique un écrivain gagne-petit se ferait-il le
champion des possédants ? Poésie pure... »
dimanche 28 septembre 2025
samedi 27 septembre 2025
Cette chose qu'on appelait le style
vendredi 26 septembre 2025
Mauvais karma
Pauvre Retailleau ! Le beau
slogan qu’il avait trouvé pour son parti ; cette idée lumineuse dont il
était, à juste titre, si fier ; toutes ces belles affiches semblent d’un
seul coup annoncer un film comique. »La France des honnêtes gens »,
c’était quand même une belle trouvaille ! Cela avait un délicieux
arrière-goût années 50 du plus bel effet. Les « honnêtes gens »
auraient pu figurer dans les Mythologies de
Barthes entre l’Abbé Pierre et la croisade de Poujade contre les intellectuels.
Mais c’est comme ça. Il y a des gens qui n’ont pas de chance. Quoi qu’ils
entreprennent, ils finissent toujours par avoir l’air ridicule.
jeudi 25 septembre 2025
Vision à Paris
« Mais j'ai vu enfin la femme parisienne de mes rêves dans un bar vide où je buvais un café. Il n'y avait qu'un type de service, assez beau, et entre une jolie Parisienne avec la démarche séduisante de celle qui ne sait pas où aller, les mains dans les poches, qui dit simplement : « Ca va la vie ? » D’anciens amants apparemment.
« Oui. Comme ci-comme
ça » Et elle lui fait ce sourire languide qui vaut bien plus que son corps
nu, un sourire vraiment philosophique, paresseux, amoureux, prêt à tout, même
les après-midi pluvieux, ou sur le quoi bonnet sur la tête, une femme à la
Renoir qui n’a rien d’autre à faire que de venir revoir son ancien amant et le tenter avec des questions sur la
vie. »
Jack Kerouac, Les Anges de la désolation
mercredi 24 septembre 2025
Improvisation pendant l'averse
![]() |
Bill Térébenthine |
La pluie cogne sur le velux du
bureau où je me suis réfugié après le diner. Le son se mêle très bien à la
musique. Je n’ai pas grand-chose à raconter. On peut prendre les choses par
n’importe quel côté, c’est vraiment une période désolante. Quand je pense qu’on
posait au désespéré à la fin des années 70. Pour être punk, il fallait avoir une
bonne dose d’énergie et de rêves. S’il faut parfois toucher le fond pour repartir
dans la bonne direction, alors nous sommes bien lancés. Je vois bien que je me
répète, je n’y peux rien. C’est comme se réveiller d’un mauvais rêve et
constater que la réalité est bien pire. Les historiens du futur (s’il y en a
un) trouveront peut-être une explication à cette gigantesque régression qui
semble bien en être à ses débuts.
mardi 23 septembre 2025
La ballade de la mort choisie
s’il était possible
de choisir
je préfèrerais
mourir
à la manière
de Godard
au moment
le plus judicieux
avant qu’il ne soit
trop tard
avant de finir
entre les mains
des médecins
je chante cette chanson
parce qu’en ce pays
la législation
est archaïque
je ne sais
pourquoi je songe
à la mort
en cette journée pluvieuse
de septembre
lundi 22 septembre 2025
Revue de presse
dimanche 21 septembre 2025
samedi 20 septembre 2025
Au-delà des slogans galvaudés
"Et à quoi reconnaît-on, au fond, la bonne conformation ? Au plaisir que nous procure l’individu bien conformé : à ce qu’il est taillé d’un bois à la fois dur, tendre et parfumé. Il n’aime que ce qui lui fait du bien ; son plaisir et son envie cessent dès qu’il dépasse la limite de ce qu’il lui faut. Si quelque chose lui nuit, il devine le remède ; il fait tourner la mauvaise fortune à à son profit ; tout ce qui ne le tue pas le rend plus fort. Il fait instinctivement son miel de tout ce qu’il voit, entend et vit ; il est un principe de sélection, il laisse tomber bien des choses. »
Nietzsche, Ecce Homo
vendredi 19 septembre 2025
Carbonisé
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Le ministre de l’intérieur est en
train de se griller. Trop rigide, incapable d’innover, de se renouveler. Lors
des journées de grève et de manifestation, comme jeudi, il ressort à chaque
fois le même plan prévisible et risible. 1. Les jours qui précèdent, il annonce
voir venir l’apocalypse des casseurs, le déferlement des hordes de
l’ultragauche ultraviolente. 2. Le matin de la journée de mobilisation, c’est
la douche froide. Les incidents sont rares, tout est calme. Tellement qu’on se
demande si les membres du maintien de l’ordre réunis en masse ne risquent pas
de s’ennuyer. 3. Le soir, au lieu de féliciter les manifestants pour leurs
défilés pacifiques, l’ambitieux ministre divise par deux le chiffre de
participation des syndicats et se félicite d’avoir contenu des débordements
virtuels.
jeudi 18 septembre 2025
mercredi 17 septembre 2025
Le secret
pour les vieux boomers
ce n’est pas réjouissant
n’écoutez pas ceux qui disent
le contraire
tout ce qu’il y a de pire
croît et prospère
il faudrait faire un énorme
effort
d’aveuglement
pour se dire que la situation
s’améliorera peut-être un jour
notre secret pour tenir ?
une capacité d’évasion
sans limite
grâce à une imagination
entretenue et développée
de longue date
mardi 16 septembre 2025
Rions un peu
Ecce Homo, dont l’une des parties s’intitule « Pourquoi
j’écris de si bon livres », est d’une irrésistible drôlerie. C’est
un grand livre comique, un chef-d’œuvre dans ce genre qui en compte peu. Tout est tellement tonitruant, excessif, comme cette auto-admiration mégalomaniaque qui pourrait paraitre ridicule si elle n'était pas portée par un style flamboyant qui n'a pas pris une ride. Ce
style, dont le philosophe annonce pouvoir changer en fonction des projets, culmine ici à la pointe de la tension qui nait de l’indécision entre l’extrême lucidité
qui génère un sens de la dérision radicale et le délire de celui qui a basculé
dans la folie. Le trouble est bien sûr accentué lorsqu’on sait qu’il s'agit de
son dernier livre avant la crise finale mais pourtant, rien dans ces lignes pleines de
santé arrogante et d’éclats de rire ne laisse présager l'effondrement de Turin.
lundi 15 septembre 2025
Effrayante mutation
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Photographie : Jane Sweet |
Mes proches savent que pendant
mes promenades ils ne doivent pas m’appeler sur mon portable sauf cas d’extrême
urgence (une attaque de drones russes au-dessus de la ville pourrait éventuellement
justifier de me forcer à interrompre ma rêverie solitaire). Le plaisir que je
prends à être seul et injoignable ne semble pas partagé par une grande partie
de la population. Je pense à ces piétons qui parlent tout
seul. Je les avais d’abord pris pour des dingues avant de comprendre qu’ils communiquaient avec leurs semblables grâce à leurs oreillettes. Je trouve ce spectacle ce spectacle bien plus dérangeant que celui du bon vieux fou à l’ancienne qui déclamait ses diatribes dans le vide. La difficulté à
être seul avec soi-même constitue peut-être l’une des plus inquiétantes mutations
contemporaines en cours (il y en a plusieurs).
dimanche 14 septembre 2025
samedi 13 septembre 2025
Cherchez l'erreur
Il y a « la France
des fins de mois difficiles » (dixit un titre du Monde) et puis la France qui ne sait pas quoi faire de
son argent. Acheter une île pour y construire un hôtel de luxe ? Investir
dans l’art contemporain pour bénéficier d’une généreuse niche fiscale ? C'est la miraculeuse politique de l'offre : les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent. Un
pouvoir en place peut toujours tenter de se maintenir dans une telle situation
d’inégalités criantes mais cela ne peut se faire sans opposer à la rue une
répression brutale. La question n’est pas tant de savoir si les mouvements
sociaux vont se poursuivre en s’amplifiant que de voir quelle sera la réaction
de ceux qui se présentent comme le dernier rempart dans la défense d’Oncle
Picsou et de ses semblables après les avoir aidés par tous les moyens
disponibles à battre des records d’enrichissement.
vendredi 12 septembre 2025
Eloge d'Aragon
Journal de Matthieu Galey, janvier 1959. Le diariste se rend à des
réunions de travail chez Maurice Druon qui l'a embauché pour effectuer des
recherches documentaires sur les rois maudits. La besogne est assez fastidieuse
mais les discussions avec Maurice, comme il l’appelle, sont plaisantes. « Au
dessert, nous chantons à deux voix les louanges de la Semaine sainte. Maurice trouve que c’est « de l’unanimisme
réussi ». Pour moi, c’est surtout le premier chef-d’œuvre romanesque écrit
par un communiste français depuis la guerre. Le preuve unique hélas ! qu’on
peut avoir sa carte et un génie souverain, libre jusqu’à l’insolence absolue. »
jeudi 11 septembre 2025
Au même moment
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Bill Térébenthine |
une émission de jazz
sur France Musique
programmation impeccable
je sens la production
de dopamine repartir doucement
l’histoire retiendra peut-être
qu’au moment où le
gouvernement
était en train de tomber
j’étais en train de me battre
occupé à repousser une invasion
de moucherons de cuisine
mercredi 10 septembre 2025
Il doit bien y avoir un motif d'espérance planqué quelque part
La classe politique
est composée exclusivement
de dinosaures
robotisés
Les principaux tyrans
de ce monde
visent l’immortalité
ou du moins
une vie prolongée
Imaginez le futur
dans cette perspective
et cherchez ensuite
un motif d’espoir
mardi 9 septembre 2025
Le scandale de l’Olympia
Le scandale de l’Olympia
« Il est généralement facile de comprendre que la nouveauté dérange en particulier ceux qu’une fidélité superficielle – que rien d’intense ne vivifie – lie aux formes du passé. Ceux-là, la nouveauté les dérange d’autant plus qu’elle est profonde, qu’elle met en jeu l’édifice même où ils vivent en repos, sans effort. Le passé admettait mieux le changement, dans la certitude qu’il avait de la valeur suprême et indiscutable dont l’édifice était l’expression nécessaire à ses yeux. »
Georges Bataille, Manet
lundi 8 septembre 2025
Ce qui n’est plus là
![]() |
Bill Térébenthine |
Toutes ces choses
que nous avons aimées
souvent excessivement
maintenant qu’elles ont passé
nous ne comprenons pas bien
ce qui suscitait des engouements
aussi passionnés
il reste quelques traces
une fumée qui se dissipe
comme diminue la tension
que généraient nos joies
intenses et éphémères
dimanche 7 septembre 2025
samedi 6 septembre 2025
Rentrée littéraire
Entendons-nous bien : je n’ai
absolument rien contre Emmanuel Carrère, dont je reconnais et apprécie par
moments le talent d’écrivain et qui ne parait pas foncièrement antipathique.
Juste un peu énervant. Carrère n’est par ailleurs aucunement responsable de ce
qui cause chez moi –et peut-être chez d’autres personnes dans le même cas – une
forme particulière d’irritation. Par exemple, lorsqu’à l’occasion d’un
entretien radiophonique, il glisse en aparté, sur le ton de la fausse
confidence légèrement gênante : « J’ai la chance d’avoir eu une
enfance heureuse. » Tant mieux pour toi, Ducon. C’est certain, il est
beaucoup plus difficile de confier, sur le même ton : « Mon enfance a
été très pénible, dans une famille pesante où j’étais un étranger. »
Pourtant, je ne dois pas être un cas isolé. Mais cela ne se fait pas. Ceux qui n’ont
pas eu de chance au tirage de la loterie de la naissance sont censés accepter
sagement leur sort et prendre cette injustice radicale avec philosophie (stoïcisme ? nihilisme ? scepticisme ?). La structure
inégalitaire de la société tend à récompenser ceux qui ont tiré le bon ticket
au départ tandis que les autres doivent partir à l’assaut de la culture
légitime par la face nord et s’estimer heureux, si la chance leur a un peu
souri en cours de route, de ne pas avoir fini SDF.
vendredi 5 septembre 2025
Adieu vieille voiture
Les français économisent. Ils
sont inquiets. C’est le moment que j’ai choisi pour changer de voiture et
troquer (c’est une image) le vieux Kangoo acquis en 2002 pour un modèle hybride
bourré d’électronique. Les vendeurs contactés ont l’air fébrile. Ils ne voient
pas beaucoup de clients potentiels et sont prêts à faire des efforts. Ce sera ma
participation, en tant que boomer tardif, à l’effort de redressement de
l’économie.
jeudi 4 septembre 2025
RENTREE GRADUELLE
Je somnolais sur mon fauteuil
favori
toujours aussi fatigué
épuisé est le terme exact
j’ai beaucoup maigri
ça me va bien
mon IMC est à un poil
de basculer dans le sous-poids
mais le score affice « normal »
il y a des stylos un peu partout
dans la maison
mais tous sont HS
j’ai fini par en trouver un
en état de marche
c’est bon signe
j’ai commencé Les Détectives
sauvages
j’en attendais un peu trop
je m’ennuie un peu
mais je vais continuer
cela ne demande aucun effort
exactement ce qu’il me faut
mercredi 3 septembre 2025
Version originale
J’ai retrouvé le passage dans La Presqu’île. C’est beaucoup mieux par
Julien Gracq.
« La fin de journée va être belle », pensa Simon. Il se mit à
siffloter, puis alluma une cigarette. Il abaissa la glacede la portière :
un vent vif et battant, hilare, sauta dans la voiture et sembla la délester.
Aussi brusquement qu’on ressent la faim, l’envie d’être déjà à Kergrit bondit
en lui ; jamais fin de journée tardivement visitée par le soleil qui n’eût
ét pour lui comme une promesse mystérieuse. « Ce sera l’heure du bain,
pensa-t-il : la marée monte », et des images exultantes et claires se
pressèrent dans son esprit en foule.
mardi 2 septembre 2025
Hommage à France Musique
France Musique est de loin la
meilleure station de radio pour glander, méditer en regardant par
la baie vitrée le soir qui descend lentement sur le jardin en cette fin d’été/début
d’automne - ce passage fragile et plein de charme qui a longtemps été assombri par
la rentrée scolaire et dont je peux enfin profiter pleinement. Je rêve parfois d’un
monde où une grande majorité d’auditeurs resteraient branchés sur France Musique
et où le son de la musique agirait de manière bienfaisante sur les consciences.
lundi 1 septembre 2025
Souvenirs de lectures
Que reste-il dans la mémoire de nos lectures passées au-delà d’un certain temps ? Dans mon cas, peu de choses : une
impression d’ensemble, le souvenir de moments plus ou moins agréables (les
meilleures expériences de lecture s’oublient rarement). Mais, s’agissant des
romans et des nouvelles, il me revient relativement peu de scènes précises, de détails de
descriptions ou de portraits. D’où l’intérêt de relire les livres qui ont compté, de s'y replonger. J’y pensais au sujet d’un texte de Julien Gracq intitulé La Presqu’île. Il est indiqué tout à la fin « achevé d’imprimer en février 1991 ». C’est probablement l’été de
cette année-là ou peu de temps après que j’ai acquis le livre lors de vacances
sur les lieux où se déroule le récit, en Bretagne. Le souvenir que j’ai conservé de cette lecture plus de 30 ans plus tard est comme une scène tirée d’un film. Un homme
seul roule en voiture en direction de la côte. Il devine à certains détails du
paysage (végétation, lumière, sensations diffuses) qu’il s'approche du rivage. La
mer apparait soudain au détour d’un virage. L’homme gare son véhicule puis baisse la vitre
pour laisser entrer l’air du large dans l’habitacle. Il allume une
cigarette et se plonge alors dans la contemplation des vagues.