G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur: novembre 2025

mardi 25 novembre 2025

le fleuve du temps

 



Je constate que France Inter est inaudible

à moins d’aimer les rires forcés

les interviews de rappeurs

ce genre de choses

je sauve quand même

deux émissions

le jeu des 1000€

(banco ! banco ! banco !)

et le bulletin météo

deux points de repères

qui ont traversé le fleuve du temps

sans rien changer ou presque

deux façons de voyager

dans les régions et les villes

où je ne mettrai probablement

jamais les pieds

et qui me font rêver

parce que je ne les ai jamais vues

lundi 24 novembre 2025

ECLAIRAGE




 Ô cruauté du soleil d’hiver

lumière blanche et rasante

qui éclaire impitoyablement chaque couche de poussière

souligne la moindre ridule

rappelant que les coups de vieux

surviennent toujours par surprise

toujours sans prévenir

inutile d'ajouter que

passer un coup d’aspirateur

n’y changera rien

samedi 22 novembre 2025

Lire en faisant la cuisine

Tout à l’heure, en préparant le dîner, j’ai lu un passage du Journal de Matthieu Galley dans lequel il évoquait une soirée où se trouvait « un Aragon détendu » (bien sûr accompagné de l’inévitable Elsa). L’occasion d’un portrait dont je me suis régalé. « Il crée consciemment le malaise, il aime que l’air, autour de lui, soit électrique. Mais c’est lui-même qui branche le courant. »

 

 

vendredi 21 novembre 2025

Actualités de l’IA

 


« Halluciner, percevoir ou sentir quelque chose qui n’existe pas, est souvent le signe d’un trouble psychologique. C’est pourtant ainsi que les firmes de la tech ont choisi de désigner les affirmations erronées produites par l’IA. Une manière d’anthropomorphiser la machine jusque dans ses manquements. Le vocable, pourtant, n’est pas dénué d’intérêt. « Certains critiques du terme considèrent qu’“hallucination” devrait être utilisé pour décrire le fonctionnement même des IA génératives, plutôt que leurs dysfonctionnements, s’amuse Gustavo Gomez-Mejia. En effet, parce que ces modèles statistiques n’ont pas de conception du réel, ils “parient” constamment sur la réponse la plus probable – et ce n’est que dans certains contextes que le produit de ce pari s’avère coïncider avec le réel, par une sorte de “faux raccord”.» Considérer les agents conversationnels pour ce qu’ils sont – non pas des intelligences omniscientes, mais des machines à halluciner – aurait à tout le moins l’intérêt de préserver ce qui peut l’être du fragile consensus sur la réalité. »   Le Monde

jeudi 20 novembre 2025

Ce qui compte vraiment

 

Portrait de Nikita Khrushchev en 1964

Lu dans le Journal de Matthieu Galey un passage qui résonne particulièrement avec le recul du temps. L’auteur évoque un bref moment de bonheur et s’exclame. « Certains miracles existent. Il suffit de savoir les surprendre. Parfait bonheur d’un instant, tandis que Khrouchtchev disparaît, que les Chinois font exploser leur première bombe atomique... Aux yeux de Dieu, de l’absolu, je suis sûr que c’est cette joie passagère qui compte. Tout le reste est une pantalonnade. On ne m’enlèvera jamais cela, ce rien, qui est essentiel. De Gaulle, Kossyguine, etc., ils passeront tous ; on ne comprendra plus rien à leurs mobiles absurdes. Mais un instant de bonheur, on saura toujours ce que c’est.» Et oui. On pourrait écrire exactement la même chose aujourd’hui en remplaçant les noms par ceux qui saturent l'espace informationnel.

 

  

 


mercredi 19 novembre 2025

Feuilles mortes


 

Que vois-je ?

pas de pluie prévue à midi

la promenade du chien aura bien lieu

sans presser le pas sous la menace d’une averse

mine de rien ce petit tour

tient une place importante

dans l’équilibre de la journée

marcher dehors

regarder le monde autour

croiser des gens de tous les âges

entendre les bruits de la rue

toutes ces sensations viennent contrebalancer

les données immatérielles transmises

par les appareils électroniques

car le vent ne pousse pas les feuilles

sur les trottoirs numériques

mardi 18 novembre 2025

Danser et chanter sur la montagne

 


"Souvent, épuisé, avant la fin du concert, il s'enfuira, quittera la scène, le théâtre et la ville, s'enfoncera dans la nuit, disparaîtra avant l'aube à bord d'une limousine silencieuse glissant sous la pluie, à bord d'un camion blanc, dans une barque. Il quittera l'aquarium pour aller respirer l'air frais du fleuve, pour courir sur les collines, pour danser et chanter sur la montagne. Il quittera la ville, empruntant les artères désertes et sombres, les rues en pente, les boulevards aux arbres noirs. Il glissera jusqu'au fleuve, il roulera dans les boues du printemps ou dans la neige épaisse. La lune éclairera ses poignets mouillés, son blouson de cuir ruisselant. Il ira n'importe où et reviendra fatigué, boueux, maussade."

 Eugène Savitzkaya, Un jeune homme trop gros

lundi 17 novembre 2025

Flashbacks


 

J’ai toujours un pied dans les années 70. Pas en permanence, mais j’ai des flashs (comme on disait). Ce ne sont pas des souvenirs au sens strict du terme, plutôt des sensations qui surgissent, accompagnées d’émotions fugitives. Ces états qui durent peu de temps semblent restituer des états de conscience qui seraient restés conservés intacts. Où ? Difficile à dire. On peut parler de mémoire émotionnelle qui se déclencherait selon des associations involontaires. Ce qui est troublant, c’est l’irruption du passé. Il parait que les personnes qui ont ce trouble appelé TDAH ont un rapport au temps différent. Cela vient du cerveau qui est câblé de manière différente. C’est la raison pour laquelle on parle de « neurodivergents ». Le problème, c’est que nous sommes une minorité (3,5 % environ pour les adultes). Nous avons du mal à comprendre le monde qui nous entoure qui est conçu par et pour les personnes dont le cerveau est considéré comme normal. On les appelle « neurotypiques ». Je suppose qu’ils ne sont pas assaillis à l’improviste par des émotions et des sensations remontant d’un lointain passé comme des personnages de Philip K. Dick.

samedi 15 novembre 2025

Le futur a commencé


 

Dans ma voiture, j’avoue avoir beaucoup de mal à utiliser la commande vocale pour demander au GPS de me conduire à une adresse. A chaque fois que j’essaie de me lancer ma voix reste coincée au fond de ma gorge. Le ridicule de la situation, probablement. Le robot ne comprend pas et affiche sur l’écran « Je ne parviens pas à comprendre votre demande. Veuillez recommencer. » Cette réaction me bloque encore plus. Il faut pourtant s’entrainer. Notre environnement pourrait changer plus rapidement que ce que nous avons connu depuis une trentaine d’années. La journée commencera bientôt par une demande adressée à une cafetière, comme dans un vieux roman de science-fiction. J’essaie de me convaincre que cela pourrait être amusant au lieu d’être inquiétant. Pour l’instant, mes efforts d’adaptation n’ont rien donné.

vendredi 14 novembre 2025

Soir d'automne


 

Il fait doux. Un soir de novembre qui ressemble au mois d’avril. Le réchauffement et sa menace plane dans l’air. Les lumières se reflètent sur l’eau noire de la rivière. Sur les quais, un son de saxophone dans lequel je crois reconnaitre un air connu. En approchant, la mélodie jouée à tâtons se précise : il s’agit de Fly Me To The Moon. Le musicien la reprend encore et encore. J’imagine qu’il a quitté un appartement pour venir travailler son instrument au bord de l’eau.

jeudi 13 novembre 2025

Le temps est-il une illusion ?

 

Lorsque je promène le chien du côté des immeubles HLM, j’aperçois souvent un vieux monsieur qui marche lentement en poussant un déambulateur contenant ses sacs de courses. Il porte un petit chapeau assez élégant, se tient bien droit et, chose devenue rare, fume constamment une cigarette sur laquelle il tire avec énergie. A chaque fois qu’il apparait sur le trottoir, j’ai l’impression que ce personnage a une dimension symbolique sans bien savoir de quoi exactement. Hier, je crois avoir trouvé. La scène qui se répète à l’identique a un rapport avec le temps qui semble ralentir sur son passage, presque jusqu’au point de s’immobiliser.


mercredi 12 novembre 2025

La fin de la colère ?

Bill Térébenthine

 

Je ne suis plus aussi souvent en colère même si cela m’arrive encore. Il y a pas mal de motifs en ce moment, non ? Ce qui a changé, c’est le fait que ces colères ont quelque chose de déplacé dans ce décor confortable. Et puis il y a évidemment l'effet de l’âge. On parle rarement d'un « vieil homme en colère ». Ce sentiment semble réservé à la jeunesse, pauvre et mal nourrie de préférence. Alors je garde ces accès de colère pour moi. Je trouve assez rapidement un moyen de me calmer. Ce ne sont pas les distractions qui manquent.

mardi 11 novembre 2025

Un peu de philosophie


 

Le dernier numéro de Philosophie Magazine titre « La mort, autant s’y préparer ». Lorsque j’ai vu cette couverture, j’ai pensé « Tu ne t’occupes peut-être pas suffisamment de la mort ; elle n’est presque pas présente à ton esprit. Voyons ce qu’en disent les personnes interviewées. » Parmi eux, Pacôme Thiellement m’a tout de suite rassuré lorsqu’il dit : « Il est vain de l’anticiper, car elle ne ressemble jamais en rien à son attente. » Mieux : il est préférable de penser à vivre « car dix ans passent à la vitesse d’une journée. » Et un peu plus loin, je lis que pour Spinoza tant que la vie est là, la mort est absente ou niée. C’est bon. Je vais continuer à ne pas y penser en me concentrant sur la satisfaction d’être en vie.

lundi 10 novembre 2025

Sans réponse


 

Je me pose des questions, tout un tas de questions. Je ne demande pas des solutions. A ce sujet, je n’ai plus d’illusion. Je me demande seulement si la situation est vraiment catastrophique ou si c’est un tour de mon imagination, une invention des médias, une construction. Heureusement, la plupart du temps j’oublie les questions. Je prépare un repas ou je promène le chien, j’écoute de la musique ou je lis un bouquin. Et ça fait du bien.

samedi 8 novembre 2025

L'autre côté

Philip Guston, Drawing, 1960

 "Je crois que l'unique question impérative en peinture est : quand est-ce achevé ? Pour ma part, c'est lorsque je sais que je suis "passé de l'autre côté". Cette prise de conscience soudaine et ponctuelle est la seule qui compte à mes yeux. " Philip Guston

vendredi 7 novembre 2025

Bienvenue à bord

 

Vous arrivez sur un blog remarquablement discret, à la limite de l’invisibilité. Si vous l’avez trouvé ce n’est pas en cherchant sur Google puisque le moteur de recherche n’est toujours pas parvenu à ce jour à référencer le Carnet. Pourtant, les petits moteurs de recherche alternatifs y parviennent. Pas grave. On peut s’en passer, et même se constituer un public de lecteurs fidèles. De toute façon, Internet est voué à disparaitre, siphonné par les robots conversationnels. C’est ce que certains disent. On peut aussi penser que rien ne se passera comme prévu.  


jeudi 6 novembre 2025

Résumé


 



Résumé de la journée. Pas oublié de rentrer la poubelle qui a tendance à bloquer le trottoir étroit. Relu, dans le catalogue de l’exposition Philip Guston au Centre Pompidou, un texte de son ami (et voisin) Philip Roth. L’écrivain évoque les doutes et les joies du peintre au moment où il passait de l’abstraction à la figuration. Il y évoquait le sentiment de liberté que l’on ressent lorsqu’on tâtonne sans trop savoir dans quelle direction on va (je cite de mémoire). Cette remarque me fait penser à Bill Térébenthine et aux bouts de papier qui trainent dans son bureau-atelier. Courses en utilisant la nouvelle voiture qui passe totalement inaperçue sur le parking du supermarché. Nous avons juste rattrapé la norme automobile en 2025. Satisfaction d'être enfin mainstream.

mercredi 5 novembre 2025

Pendant ce temps, chez Bill Térébenthine...

 

Bill Térébenthine

— Que t’arrive-t-il, Bill ?

— Rien. Au sens strict du terme.

— Peux-tu développer au sujet de ce rien ?

— Je n’ai plus de goût à peindre et à dessiner.

— Ah merde. Et comment tu l’expliques ?

— C’est assez simple. Depuis une dizaine d’années, mes réalisations consistaient pour l’essentiel en dessins d’observation et en peintures d’après des photos prises durant des promenades. C’est-à-dire que je pratiquais un art d’imitation.

— Et ?

— Et il se passe que je ne peux plus me mettre au travail pour continuer dans cette voie depuis que j’ai lu ce que disait Hegel de l’imitation envisagée comme le but de l’art.

— Il en disait quoi, Hegel ?

— Pour lui, l’art n’a pas pour fonction de reproduire du mieux qu’il peut le monde extérieur. Selon ses termes tels qu’ils ont été rapportés par ceux qui suivaient ses cours, il s’agit d’un travail superflu. Je vais retrouver le passage. Il parle d’un « jeu présomptueux, qui reste bien en deçà de la nature ».

— Il y va fort, là. Mais ne dit-on pas que dans l’Antiquité on admirait l’illusionnisme de Zeuxis dont les raisins trompaient même les oiseaux ?

— Bien sûr. Hegel en parle. Ecoute ça. « Au lieu de louer des œuvres d’art parce que des pigeons ou des singes s’y sont laissés tromper, il faudrait plutôt blâmer ceux qui croient avoir porté bien haut l’art, alors qu’ils ne savent lui donner comme fin suprême qu’une fin si médiocre. »

— Je vois pourquoi Hegel a semé le doute. Et tu vas faire quoi maintenant ?

— Rien. Je gribouille sur des bouts de papier en attendant de voir ce qui va sortir.

— Veinard. C’est le meilleur moment.


mardi 4 novembre 2025

RETOUR DE PROMENADE


 

Les feuilles dans les flaques d’eau

le bitume luisant sous les lampadaires

content d’être rentré à l’abri

dehors il fait déjà nuit

rien écrit encore de la journée

j’écoute Blind Willie McTell

pas le vieux bluesman mais Dylan

qui rend hommage au chanteur aveugle

j’apprécie la musique

j’apprécie d’être vivant

j’apprécie d’être là

je ne sais pas à qui m’adresser

pour dire merci

 

 

 

lundi 3 novembre 2025

Incompatibilité


 

Il y a une chose qui me sépare définitivement de la droite : c’est la croyance dans la valeur travail. Je n’ai pas eu les moyens financiers (ni le courage) d’appliquer le beau slogan que Guy Debord écrivit sur un mur. Faute de mieux, je lui ai substitué un modeste « Travailler le moins possible ».  Je me suis toujours méfié du travail. Trop de pénibilité. J’ai fait en sorte de m’en protéger en commençant tard et en arrêtant le plus tôt possible. C’était une question de survie. Mais je n’ai jamais essayé d’aborder le sujet avec les travailleurs que je croisais, encore moins d’essayer de les entrainer dans ma désertion douce.

samedi 1 novembre 2025

Atterrir

Bill Térébenthine

 

Hegel et la spiritualisation de la matière dans l’art, c’est très bien, mais la réalité c’est que ces dernières semaines j’ai passé la plus grande partie de mon temps à lire le manuel de la nouvelle voiture. Les dispositifs de sécurité, le fonctionnement de la climatisation et de l’écran multimédia, le contrôle de la pression des pneus et le mode « éco » sont passés au premier plan dans mon esprit. J’ai l’impression de sauter d’un seul coup dans le siècle en cours après avoir continué à trainer pendant 25 ans dans le monde du siècle dernier.