G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur: octobre 2025

vendredi 31 octobre 2025

Lire en écoutant la pluie


 J'ai repris la lecture du roman de Bolaño. Je m'étais lassé de ces changements de personnages et de points de vue. L'action n'avançait pas vraiment et le style, qui m'avait accroché au début, avait perdu son charme. L'interruption a été bénéfique. J'accroche à nouveau. Extrait : "A cette époque, c'est à peine si je peignais et je n'exposais rien. Ceux qui avaient été lieutenants avec moi, maintenant étaient passés capitaines, colonels et il y en avait même un qui était arrivé au grade de général ou de maréchal, mon cher Miguelito. D'autres avaient crevé du sida ou de surdose ou de cirrhose hépatique ou ont été simplement tenus pour disparus. Moi je continuais à être vidangeur. Je sais que cette situation se prête à diverses interprétations, la plupart menant à un territoire où tout est sombre. Et ma situation n'était pas le moins du monde sombre. Je me sentais raisonnablement bien, je faisais des recherches, j'observais, je m'observais observer, je je lisais, je vivais tranquille. Je produisais peu. Ce dernier point est peut-être important."

jeudi 30 octobre 2025

C'est beau, Hegel


 

Rien que la biographie. Pendant ses études, « il a pour condisciples et amis le poète Hölderlin et Schelling, de cinq ans plus jeune, mais précoce et brillant. » Plus tard, il occupe la chaire de Fichte à Berlin. Un de ses élèves témoigne : « Quiconque avait une fois pris goût à la profondeur et à la solidité de ses leçons était entraîné de plus en plus et retenu pour jamais comme dans un cercle magique par la force de ses raisonnements et par l’originalité de ses intuitions du moment. » Cela laisse rêveur et c'est un songe très agréable.

mercredi 29 octobre 2025

Discussion sur ED

 

— L’extrême droite en France, on peut en parler ?

— D’accord mais alors en évitant d’employer ce terme. Trop déprimant.

— On va dire « ED ». J’ai l’impression que tout ce cirque - auquel nous n’assistons même pas et qui continue sans nous – n’a d’autre finalité que d’installer ED au pouvoir.

— Il y a des rumeurs à ce sujet. Et elles mènent toutes vers celui qui a déclenché ce gros bazar.

— Ceux qui ont œuvré à ses deux élections ont tiré les conclusions de son échec. Ils sont en situation de l’obliger à mener une dernière mission : accélérer une transition rapide vers ED pour éviter les épouvantails de la gauche et de l’extrême gauche.

— Ce n’est pas très difficile.

— Ce gros loser est quand même capable de tout foirer.

— Ah ! Ah ! Ah !


mardi 28 octobre 2025

Montaigne et moi

 

J’étais un peu impressionné ; je restais à l’extérieur, comme derrière une vitrine. Je me demandais si je comprenais. Après vérification, je conclue que je peux me fier à mes intuitions. Il en ressort un penseur très libre et largement en avance sur son temps où on s’étripait pour des convictions religieuses (ce qui explique qu’il avance ses idées avec prudence). Le texte intitulé « Apologie de Raymond Sebond » est un bon exemple. Il s’agit en fait de ce qu’on appellerait une déconstruction des arguments de cet auteur qui essaie de prouver l’existence de Dieu en décrivant la parfaite réussite qu’est l’homme, supérieure aux animaux et au reste de la création. Montaigne développe, en s’appuyant sur des citations d’auteurs de l’Antiquité, l’idée que les animaux n’ont rien à nous envier. Ils disposent du langage, même si celui-ci nous échappe ; ils ont des sentiments nobles, sont capables d’actes héroïques, de compassion, etc. Pour Montaigne, le sentiment de supériorité de l’homme sur l’animal n’est pas seulement une erreur. C’est une faute morale causée par une fierté mal placée et injustifiée. Cinq siècles plus tard, la situation n’a pas évolué (cf. le massacre des animaux destinés à la boucherie).


lundi 27 octobre 2025

Petite déception


 

Ma nouvelle voiture est remplie de gadgets, un peu comme celle de James Bond (sans les mitraillettes qui sortent des phares). En revanche, je ne pourrais plus écouter mes CD en roulant, ce qui ne constitue pas un progrès. J’aimais écouter mes albums et aussi les compilations thématiques que je préparais soigneusement. A la place, je vais devoir me taper des compilations Spotify. J’ai testé et c’est assez horrible : impersonnel, basé sur les tubes, collectif. Bref, tout ce que je ne supporte pas dans la manière d’écouter la musique à notre époque. Heureusement, il y a France Musique et Fip.

samedi 25 octobre 2025

Vous avez dit "émancipation" ?


 "L'émancipation [...] commence quand on remet en question l'opposition entre regarder et agir, quand on comprend que les évidences qui structurent ainsi les rapports du dire, du voir et du faire appartiennent elles-mêmes à la structure de la domination et de la sujétion. Elle commence quand on comprend que regarder est aussi une action qui confirme ou transforme cette distribution des positions."

Jacques Rancière, Le spectateur émancipé

vendredi 24 octobre 2025

SOIR D'AUTOMNE


 Je suis bien

assis sur mon fauteuil préféré

le petit chien sur les jambes

le son de la radio venant de la cuisine

assez peu distinct

je lis des passages de livres

Rancière évoque la pensée critique

et sa difficile actualisation

Savitzkaya raconte à sa manière

la vie d’Elvis Presley

hier j’ai écouté des enregistrements

des années 70

c’était très beau

le son de groupe de bal

qui jouerait parfaitement bien

et cette voix qui donne des frissons

à chaque fois qu’elle apparait

jeudi 23 octobre 2025

En pause (encore)


 

Je suis un peu à sec en ce moment. Mon cerveau semble être en pause. Lui qui me bombarde en permanence d’idées plus ou moins confuses (symptôme connu du TDAH) semble avoir soudain besoin de souffler. Ce n’est pas désagréable. En plus, l’ordinateur veut redémarrer pour faire une mise à jour. Pour moi, l’info du jour, c’est l’appel signé par de nombreux scientifiques et des entrepreneurs de la tech demandant l’arrêt des travaux visant au développement au développement de la superintelligence artificielle, une IA capable de surpasser les capacités humaines. Au cas où on ne serait pas assez angoissés par les perspectives du dérèglement climatique, voilà un nouveau sujet à ajouter à la liste.

mercredi 22 octobre 2025


 "Nul besoin (...) de considérer longtemps les allées et venues des passants pour constater que leurs mouvements, apparemment indifférents à l'espace où ils s'inscrivent, relèvent du plus rudimentaire langage du corps. Mais que pourraient-ils dire, ces corps qu'on semble avoir convaincus d'être libres à la condition de se ressembler, en disparaissant sous l'ampleur de blousons et survêtements qui les réduisent à une masse indifférenciée tout juste bonne à véhiculer ce qui est écrit dessus ?" 
Annie Le Brun, Du trop de réalité

mardi 21 octobre 2025

A la rencontre de la ruralité


 

Vendeur de voitures un peu rat. Pas assez d’essence pour faire le trajet de retour. Jauge proche de zéro sur la quatre voies, pleine zone de désert rural. Une petite pancarte indiquant un Intermarché sur le bord de la route. Sortie. Quelques kilomètres à travers champs. Un bourg à l’horizon. Approche pleine d’appréhension. Bingo ! Non seulement il y a une pompe mais une banderole à l’entrée annonce « Prix coutant sur le carburant ». Petite file d’attente. Une femme a ouvert le capot de sa voiture. Elle remplit des jerricanes. C’est samedi soir. Sur le parking, un vendeur de pizza dans une guitoune affiche un large sourire. La soirée ne fait que commencer. Départ détendu. Le plein est fait et on ne regrette pas ce détour au cœur des territoires.

vendredi 17 octobre 2025

Nouveauté

 

Demain, je pars chercher ma nouvelle voiture dans une ville à deux heures de route d’ici. C’est déjà une aventure en soi. J’aime bien rouler mais ce trajet aura une connotation particulière puisque ce sera le dernier en compagnie de ma vieille voiture qui m’a transporté pendant 24 années. Dans le lecteur de CD, une compilation personnelle des Who dont je ne me lasse pas. Cette ambiance un peu rustique (le cendrier, l’allume cigare), tout cela va disparaitre dans la prochaine voiture avec son écran multifonction, ses touches, ses voyants renvoyant aux multiples dispositifs d’aide à la conduite. Ce changement marquera-t-il un tournant ? Peut-être que je ne serai plus le même au retour.

 


mercredi 15 octobre 2025

Pause


 

— Comment ça va ? Je me traine un peu. Ce n’est pas la grande forme mais je suis certain d’avoir connu pire.

— J’avais remarqué que ça n’allait pas fort ces derniers temps.

— Ah oui ? Et à quoi tu vois ça ?

— Quand tu ressors tes disques du collège, ça ne trompe pas.

— Le pire c’est que j’en suis conscient au moment où je le fais. C’est de la régression pure et dure mais  qu’est-ce que ça fait du bien.

— Je crois que chaque génération a son remontant musical gravé dans le cerveau au moment de l'adolescence. L’essentiel c’est que cela fasse son effet.

— Oui, mais je n’ai pas trop envie de rester bloqué là. D’ailleurs, je ne suis pas du tout nostalgique de cette époque. La province française au début des années 70, c’était bien lourd.

— Tu crois que c’est différent maintenant ?

— Je ne sais pas. J’ai fuis l’endroit où j’ai grandi et je n’y suis jamais retourné. Je pense que ça n’a pas beaucoup changé. D'après ce qu'on peut voir sur Street View, c'est encore plus laid et franchement sinistre.

— Dans les rues, le décor ne change pas beaucoup, en effet. Mais les jeunes n’y sont pas. Ils sont sur les réseaux sociaux.

— Et oui, les choses ont changé comme dit l'autre.

mardi 14 octobre 2025

Anniversaire


 

Que vois-je ? Une revue anglaise spécialisée dans la musique de vieux (Uncut) sort un numéro spécial pour fêter les 80 ans de Neil Young. Ce n’est pas le premier des musiciens qui bercèrent nos années de jeunesse à passer ce cap. Cela me fait quand même un drôle d’effet. Peut-être à cause de son nom. Au lieu de se morfondre sur le passage du temps, réjouissons-nous plutôt de la présence en ce monde de ceux qui  nous aident un peu à le supporter par leur présence et leur persévérance dans ce genre musical qui nous aura accompagnés tout au long du parcours. Et ce n’est pas fini. Un titre du tonnerre sort de l’ordinateur. Il est extrait Talkin to the Trees, un de ses derniers disques.

 

lundi 13 octobre 2025

EN DEHORS DU TEMPS


 

La crise est partout

les journalistes et leurs invités

délirent non-stop sous les projecteurs

et moi je ne vais pas très bien non plus

écrire apporte un peu d’apaisement

écouter une playlist de vieux trucs également

c’est biologique et c’est métaphysique

les neurotransmetteurs s’activent

en entendant Black Night

Two Of Us

Love In Vain

Hey Tonight

Substitute

Into The Mystic

toutes ces chansons

que je redécouvre à chaque fois

comme pour la première fois

je n’y peux rien si cela fait du bien

et soulage mon âme fatiguée et usée

samedi 11 octobre 2025

Vous reprendrez bien un peu de bêtise ?


 «La force de ces machines, c’est qu’elles se nourrissent de toutes les données humaines ; mais le problème, c’est qu’elles se nourrissent aussi de plus en plus des données qu’elles génèrent. Il se produit un phénomène de dégradation cumulative. Un peu comme quand vous faites la photocopie d’une photocopie d’une photocopie… au bout d’un certain temps, l’image sera de moins bonne qualité. Pour cette raison, un effondrement des modèles n’est pas exclu. Il ne faut jamais oublier que si ces machines sont efficientes, c’est parce que nous les avons nourries avec des savoirs humains, donc elles simulent l’intelligence humaine. Le jour où elles seront alimentées par des bêtises, elles simuleront la bêtise. » Anne Alombert

vendredi 10 octobre 2025

Croquis d'audience



 

Parmi les motifs de bonne humeur, il y a le fait de ne pas avoir été tiré au sort comme membre du jury. Le procès a été l'occasion de remarquer un excellent dessinateur de presse. Ce n'est pas un débutant, loin de là. J'apprécie sa manière de capter les corps, ce qu'évoquent leur position (comme lorsque l'accusé écoute la déposition de sa mère).




jeudi 9 octobre 2025

Psychopathologie du pouvoir


 Le pouvoir ne rend pas fou ; il attire des gens qui sont déjà dingues. On en trouve à tous les échelons de la société, ceux qui arrivent au sommet sont les plus gravement atteints. On peut distinguer quelques différences culturelles selon les pays mais ce qui frappe, ce sont les nombreux points communs : le narcissisme revient souvent tout comme l’impossibilité d’accepter la contradiction ou encore un goût prononcé pour la manipulation. La principale difficulté avec ceux qui sont touchés par cette pathologie, c’est leurs réactions lorsque leur rêve s'écroule brutalement. 

mercredi 8 octobre 2025

Burroughs à Paris

 


Mattieu Galey n'est pas du tout fasciné par cet américain malsain. Il semble même un peu dégouté. Nous sommes en 1963 et Burroughs est encore un écrivain débutant à peine connu. Le portrait est quand même réussi, comme d'habitude.  "On l'aperçoit qui rase les murs aux environs de la rue Gît-le Cœur, pardessus grisâtre et chapeau mou sur une longue figure : ce pourrait être un flic en civil. Ou un assassin ; l'oeil mort trahit quelque chose d'un sadique glacé, jusqu'à l'âme s'il en a une. Il fut détective privé, par un temps ; voilà qui devait lui aller comme un gant. Aucune fantaisie extérieure chez ce visionnaire aussi blême et lugubre qu'est délirant son univers : le Buster Keaton des paradis artificiels"

mardi 7 octobre 2025

Pas le temps de m'occuper du gouvernement


Je dois parcourir les 600 pages du manuel avant d’aller chercher ma nouvelle voiture au garage. C’est assez stressant. Je ne me suis jamais retrouvé seul au volant de ce genre de véhicule sans débrayage ni changement de vitesse, seulement deux pédales et des quantités de voyants qui s’activent sur tableau de bord. Il est précisé régulièrement qu’il serait dangereux de s’en remettre au système de conduite assistée censé vous avertir lorsque des obstacles sont détectés, que vous sortez de votre file, etc. Les capteurs et les caméras peuvent de pas fonctionner dans de nombreux cas soigneusement énumérés pendant des pages. Ce qui peut donner lieu à des inventaires assez surréalistes.

lundi 6 octobre 2025

Extinction

 

Je suis un dinosaure et je suis entré dans une forme de résistance très modérée - à moins qu’on considère le fait de se méfier de l’IA comme un signe de déviance sociale. En fait de résistance, il s’agit plutôt d’une façon de bouder certains aspects peu ragoutants des développements récents de la société spectaculaire-marchande. Cela consiste pour l’essentiel à entretenir une rêverie égoïste bercée par les lectures, la musique, les promenades. Un matin où je trainais au lit en écoutant la radio, j’ai entendu Marc Weitzmann qui était invité pour son livre sur Philip Roth. J’ai tendu l’oreille lorsqu’il a déclaré d’un ton légèrement sentencieux que la littérature telle que la pratiquaient Roth et d’autres écrivains de la même génération appartenait aujourd’hui à un monde disparu. Fin de la littérature et même de la culture telle que nous l'avions connue ? Il y a de quoi éprouver un léger vertige. 

samedi 4 octobre 2025


 "Je suis à Paris, ceux qui l'apprennent en sont heureux, la plupart m'envient. Ils ont raison. C'est une grande ville, grande et pleine d'étranges tentations. En ce qui me concerne, je dois avouer que d'une certaine manière je leur ai succombé. Je ne crois pas qu'on puisse le dire autrement. J'ai succombé à ces tentations et cela a eu divers changements pour conséquence, sinon dans mon caractère, du moins dans ma façon de voir les choses, et en tout cas dans ma manière de vivre. Il s'est constitué en moi à partir de ces influences une conception totalement nouvelle de toutes les choses, il y a  là certaines différences qui me séparent des gens beaucoup plus que tout ce qui m'était arrivé avant. C'est un monde changé. Une vie nouvelle pleine de significations nouvelles. Cela me donne un peu de mal pour l'instant, parce que tout est nouveau. Je suis un débutant dans mes propres conditions de vie." 

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge


vendredi 3 octobre 2025

Improvisation d'automne


Depuis ce matin, je nettoie les Velux. C’est une entreprise d’une certaine ampleur. Je conseille sérieusement cette activité à tous ceux qui se sentent légèrement plombés par le spectacle en cours. Ce serait dommage de gâcher une belle matinée d'automne et son beau soleil rasant à cause des gesticulations des uns et des autres. Il suffit de changer de lunettes ou de nettoyer des vitres pour réaliser que tout est une question de regard et donc de transparence. Le travail alimentaire de Spinoza consistait à polir des verres destinés à des loupes, des microscopes ou des longues-vues. Je ne sais pas traduire en mots cette sensation de voir plus clairement chaque détail. Nabokov a écrit des choses magnifiques sur le miroitement des choses en décrivant avec précision le moindre détail. A relire, donc.

mercredi 1 octobre 2025