Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude
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Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude
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Blind Willie McTell |
Depuis que je suis diagnostiqué,
je me documente un peu sur le TDAH chez les adultes. L’une des manifestations
de ce fonctionnement particulier du cerveau est l’hyperfocalisation. Cela consiste
à se passionner pour deux ou trois sujets au détriment du reste (organisation
de la vie pratique, assurer de bonnes relations avec sa hiérarchie, planifier
des voyages touristiques, s’intéresser à la vie politique). On pourra trouver dans
le Carnet des traces de ces
engouements excessifs qui vont de Dada au blues en passant par Dylan et les
écrivains qui m’ont accompagné dans ce voyage hasardeux qui ne manquait pas de
bonnes surprises.
En traversant la cuisine où la
radio était restée allumée, j’ai entendu un petit bout d’une émission où l’on parlait d’Adorno. Il était question de situations extraites de la vie ordinaire (fermer
une fenêtre, claquer la porte d’un réfrigérateur…) qui illustraient, pour le
philosophe, la manière dont l’environnement quotidien participe au développement
de la vie mutilée. L’idée me plait bien : chercher les sources de l’aliénation
dans des détails concrets, des agencements qui contraignent l’action dans une
direction. On pourrait imaginer une réflexion actualisée en partant de l’idée que rien dans l’architecture, l’urbanisme, le design n’est
conçu gratuitement, sans être relié à un projet de manipulation des individus
pris dans des dispositifs de contrôle. On pourrait parler d’une forme de « complotisme
éclairé », peut-être d'une théorie critique dans l’esprit de l’Ecole de Francfort dans une version actualisée.
Je me rappelle sans cesse les chevaux
sous la lune
je me rappelle lorsque je donnais du sucre
comme de la glace,
et ils avaient des têtes comme
des têtes
chauves d'aigles qui auraient pu mordre mais
n'en faisaient rien
Les chevaux étaient plus réels que
mon père
plus réels que Dieu
et ils auraient pu m'écraser les
pieds mais ils n'en ont rien fait
ils auraient pu faire toutes sortes d'horreurs
mais ils n'en ont rien fait.
J'avais presque 5 ans
mais je n'ai pas oublié ;
Ô mon dieu ils étaient forts et bons
Leurs grands coups de langue rouge
et baveuse venus de l'âme.
Charles Bukowski, Les jours s'en vont comme des chevaux sauvages dans les collines
« Au fond, les frères
Jacques, Vaché et Rigaut, ont en commun la même fâcheuse tendance à ne pas
croire sur parole les femmes et les hommes (André Breton s’y sera essayé, en
vain, auprès des deux) qui saisissent la vie comme une évidence, croient la
tenir dans leurs livres ou leur portefeuille, sont assuré, leurs gestes et
leurs mots le répètent à l’envi, d’en posséder le sens, ils connaissent la même
aversion pour la fatuité qui définit leur espèce, s’en trouvent désolés et
incapables de concevoir un arrangement avec cette illusion qui leur
échappe. »
Laurent Cirelli, Jacques Rigaut, portrait tiré
Il n’est jamais trop tard
pour savoir quelle est notre
manière
particulière
d’être dingue
mon truc c’est le déficit de
l’attention
le savoir plus tôt ne m’aurait
pas beaucoup aidé
cela n’aurait pas empêché les
profs de me demander
« Pouvez-vous répéter ce que je
viens de dire ? »
ni les ex compagnes de piquer des
colères
puis de disparaître à l'horizon
en revanche je sais maintenant
pourquoi
que je n’avais aucune chance
de faire ce qu’on appelle une «
carrière »
heureusement je suis
officiellement
hors compétition
à l'abri derrière mon statut
de fonctionnaire retraité