G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

samedi 12 juillet 2025

Monologue

 


Je lis une recension de La Somnolence, premier roman de Jean-Pierre Martinet qui ressort ces jours-ci. Le livre suit la logorrhée d’une femme de 76 ans qui vocifère en ne s’adressant à personne précisément. Cela m’a fait penser au dingo qu’on entend souvent parler tout seul en déclamant lorsque nous passons devant son pavillon avec le chien. Il se déclenche sans se montrer sur son perron, juste après notre passage, ce qui fait qu’on ne distingue pas clairement ses propos. Une fois, il était question des déjections des chiens qui répandent des bactéries. Difficile de ne pas se sentir visé avec notre toutou en laisse. La dernière fois, j’ai saisi la fin d’une tirade où il était question des « personnes sournoises qui arrivent par derrière sans prévenir, ça suffit ! » Pour ce que j’en entends, cela ressemble des discours revendicatifs relativement articulés. Ils sont déclamés sur un ton assez retenu (pas de cris ou d’insultes) avec des effets oratoires, des haussements de ton indiquant l’indignation.


vendredi 11 juillet 2025

Dialogue

 

— J’ai l’impression que nous sommes partis pour un été « citations ». Je recopie celle-ci, tirée de Yoga d’Emmanuel Carrère, qui confie l’avoir lui-même recopiée dans de nombreux carnets (j’espère qu’elle n’a pas été modifiée en cours de route). Elle est de Glenn Gould. « La visée de l’art n’est pas la décharge momentanée d’une sécrétion d’adrénaline mais la construction patiente, sur la durée d’une vie entière, d’un état de quiétude et d’émerveillement. »

— Joli. Et le livre de Carrère ?

— On en parlera plus tard.

 


jeudi 10 juillet 2025

Sur les courtisans

 

Chamfort : « Quelle vie que celle de la plupart des gens de cour ! Ils se laissent ennuyer, excéder, avilir, asservir, tourmenter pour des intérêts misérables. Ils attendent, pour vivre, pour être heureux, la mort de leurs ennemis, de leurs rivaux d’ambition, de ceux mêmes qu’ils appellent leurs amis ; et pendant que leurs vœux appellent cette mort, ils sèchent, ils dépérissent, meurent eux-mêmes, en demandant des nouvelles de la santé de M. tel, de Mme telle, qui s’obstinent à ne pas mourir. »


mercredi 9 juillet 2025

La France qui bat des records

 

Halte à l’auto-flagellation et à la morosité. Notre pays est capable de se surpasser. Quelques exemples de performances éclatantes sont apportés par une étude annuelle de l’Institut national de la Statistique et des Etudes économiques (Insee) sur la pauvreté, parue ce lundi 7 juillet. Record battu en 2023 pour le taux de pauvreté avec 15,4 %  soit le taux le plus élevé depuis trente ans. Comme la hausse du niveau de vie des plus « aisés » a été « dynamique » dans le même temps grâce « au rendement des produits financiers », un autre record historique est battu : celui des inégalités. Comment améliorer  encore notre score ? Continuer à ne rien faire et attendre les effets bienfaisants du ruissellement.

 


mardi 8 juillet 2025

1975 (suite)

 

J’ai envie de revenir à l’année 1975, plus précisément à l’été de cette année-là. La bande adolescente que nous formions était constituée de quatre garçons et un peu moins de filles. Tout le monde devait se retrouver dans une maison du vieux Hyères appartenant à la famille des filles. Avec un copain, nous avons rejoint le sud en stop. Une grande partie du trajet s’est déroulée comme dans un film américain des années 70, cheveux au vent à l’arrière d’une voiture de sport décapotable conduite par un couple de jeunes gens beaux et friqués qui incarnaient la douceur de vivre. Les paysages ensoleillés défilèrent comme dans un rêve éveillé. Après une année d’internat dans la grisaille et l’ennui d’une petite ville l’Aisne, c’était comme se transporter dans un autre monde où tout était soudainement beau, sexy et totalement cool.


lundi 7 juillet 2025

Ouf !

 

Le blog a retrouvé son petit trafic habituel d’habitués. Début juillet, il y a eu une arrivée soudaine si massive qu’elle a formé un pic montagneux sur la ligne ordinairement régulière et paisible des statistiques. Ce pic s’est produit en pleine nuit, l’essentiel provenait des Etats-Unis. Le lendemain, encore plus étrange, c’est d’Autriche qu’on débarqué en masse pour voir le Carnet. Je n’ai aucune explication et n’en cherche pas ; l’essentiel est que le phénomène s’est interrompu. Ce petit évènement m’a rappelé que je goûte avant tout la discrétion. Protégez-moi des foules. Je suis un anti-influenceur. On dit que le web est mort, tué par les bots qui aspirent les données pour nourrir les IA. Dans un avenir proche, plus personne ou presque ne consultera les sites (ne parlons pas de ceux qui suivent des blogs). C’est une excellente nouvelle ! Le retour de la singularité est à notre portée, tenons-nous à l’écart du rouleau compresseur mainstream. Vive l’underground et la diffusion réservée aux happy few. Keep on bloging !

 


samedi 5 juillet 2025

Lecture d'été

 

Loin de moi l’idée de dire du mal de Frédéric Berthet. D’ailleurs, je ne veux, en règle générale, dire du mal d’aucun écrivain. Si on a besoin de passer ses nerfs, il y a assez de têtes à claques  du côté des politiciens (pour prendre un exemple au hasard). Les écrivains, eux, ne nuisent à personne. Tout juste leurs écrits peuvent-ils générer une forme d’ennui. Ce n’est jamais violent, on est généralement confortablement installé quand on lit. En fait, tout est de ma faute. Le passage sans transition de Bukowski à Berthet était une erreur. Le premier est un boxeur poids lourd. En comparaison, Paris-Berry de Berthet ne parait pas seulement léger ; il est terriblement inconsistant. Chaque texte est comme une bulle qu’on tente d’attraper et qui éclate en laissant derrière elle un vide gênant. Improviser sur le presque rien s’avère une entreprise périlleuse (j’en sais quelque chose). Et puis la légèreté forcée et l’insouciance feinte me rendent triste. Je vais le lire jusqu’au bout un peu comme on lirait une notice listant tous les pièges menaçant les textes courts.


vendredi 4 juillet 2025

Présentations


 Je ne suis pas un loser magnifique. Plutôt un raté au sens de celui qui n’a pas tenu ses promesses. A vingt ans, je voulais devenir un artiste plus ou moins célèbre. J’ai gagné un peu d’argent avec mes dessins mais jamais assez pour vivre correctement. J’étais une catastrophe en relations publiques. Au bout d’une dizaine d’années, je m’étais mis à dos à peu près tous les professionnels rencontrés. J’ai rangé mon carton à dessin et j’ai passé un concours d’enseignement. Après m’être fait virer de l’université (mon seul titre de gloire), j’ai végété une vingtaine d’années dans une ZEP à la dérive. J’étais dans mon élément. Bilan à la retraite : j’ai limité la casse ; je n’ai pas été renvoyé ; je ne suis pas devenu alcoolique ou accro aux cachetons. Mon ange gardien a fait ce qu’il a pu. Je lui suis reconnaissant ; ce n’était pas un boulot facile.