G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur: février 2025

vendredi 28 février 2025

Dernières nouvelles

 

Regardé A Complete Unknow avec la curieuse impression d’avoir déjà vu le film mais c’était bien quand même et j’ai craqué pour Monica Barbaro. Entendu un entretien avec Jean-Pierre Montal et me suis dit que je n’étais pas un romancier même si j’aime beaucoup lire des romans comme La face nord. Commencé la lecture de Derrière les lignes ennemies Entretiens 1973-1993 et j’étais tellement captivé par les propos de Jean-Patrick Manchette que j’ai eu droit à des remarques concernant mon manque d’intérêt pour ce qui se passe autour de moi. 

jeudi 27 février 2025

C'est long, la fin du monde

 

A une époque pas si lointaine, je m’étonnais en constatant que les dernières données scientifiques concernant l’effondrement de la biodiversité ne faisaient pas les gros titres dans les médias. Aujourd’hui on a encore fait des progrès dans l’aveuglement volontaire : on vote en masse pour ceux qui promettent de laisser tomber toutes ces histoires de protection de l’environnement qui nous pourrissent la vie. Joli tour de passe-passe. Nous assistons à « l’effritement du monde où nous vivons » (dixit Manchette). Peut-être même verrons-nous son effondrement. Pas de précipitation. Le film tourne au ralenti.


mercredi 26 février 2025

Un peu d'histoire

De la désinvolture


Je n’ai lu aucun livre de Philippe Jaenada. Il s’intéresse aux jeunes gens qui trainaient au café Chez Moineau, ce qui est plutôt sympathique. En revanche, lorsque je lis que cet écrivain aimerait « tendre vers la désinvolture », je crois sentir une contradiction gênante. La désinvolture implique une sorte de dégagement ainsi qu’une absence apparente d’effort. Elle est une forme de grâce qui ne peut s’apprendre et ne peut en aucun cas être atteinte par un entrainement aussi acharné soit-il. Cravan, Vaché, Rigaut, Duchamp, pour citer quelques figures célèbres, n’ont probablement pas été désinvoltes à chaque minute de leur existence mais leur élégance et leur détachement a frappé durablement ceux qui les ont connus.

mardi 25 février 2025

Où est la frontière ?


J’ai envie d’évoquer un phénomène un peu fumeux, vaguement suspect du point de vue strictement rationaliste. Je veux parler des interrelations entre les fictions qu’on lit dans les romans et la vie dite « réelle ». Simon Axler, le personnage principal du roman de Roth, est un acteur qui ne joue plus parce qu’il en est devenu incapable. Je me suis mis à penser à acteur de théâtre et de cinéma que j’ai croisé vers la fin des années 2000. Il avait à peu près l’âge que j’ai aujourd’hui et sa carrière semblait derrière lui, ce qu’il n’avait pas l’air de réaliser. J’ai effectué une recherche et très vite appris qu’il était mort quelques mois auparavant. J’ai ensuite repris ma lecture en m’inquiétant de plus en plus pour Simon Axler qui venait de se faire larguer par la jeune femme grâce à laquelle il retrouvait goût à la vie. J’appréhende maintenant les dernières pages. Va-t-il se servir de ce fusil de chasse dont l’écrivain signale la présence avec insistance ?     

lundi 24 février 2025

Dialogue


 — Le secrétaire général de l'enseignement catholique : La protection des enfants n’est pas seulement l’affaire de l’école catholique. C'est toute la société qui doit au quotidien veiller sur nos enfants pour qu'ils soient protégés. Toute la société est responsable.

— Joe Legloseur : Bien essayé mais on va quand même s’occuper des prêtres et de ceux qui travaillent dans les établissements privés catholiques, surtout s’ils surveillent des dortoirs. On a l’impression que chez les cathos, les violences, et en particulier les agressions à caractère sexuel, font partie intégrante d’une sorte de tradition secrète qui se perpétue à travers les générations. Le résultat est là : un nombre de victimes vertigineux. Alors avant d’élargir les recherches, on va d’abord se concentrer encore un peu sur vous. Ok ?

samedi 22 février 2025

Encore un biopic


En relisant les entretiens avec Marcel Duchamp, je me projette un film imaginaire. Nous sommes en juillet 1919. Duchamp est de retour à Paris. Il a l’adresse de Picabia dans sa poche, rue Emile-Augier. C’est la première chose qu’il fait en arrivant des Etats-Unis : il cherche Picabia à Montmartre et ne trouve pas. Il fait chaud, les rues sont désertes. Duchamp se sent « comme un pauvre malheureux ». Il a un mal de chien à retrouver son ami dans sa rue Emile-Augier. Chez Picabia, il y a une sorte de salon littéraire permanent. Tout le monde vient voir le voir : la « bande Cocteau », Tzara, Ribemont-Dessaignes, Jacques Rigaut, que Duchamp trouve « très sympathique », « très dégagé », en un mot, « Dada ».

vendredi 21 février 2025

Un roman "feel bad" ?


Les dernier livres de Philip Roth sont parfaitement efficaces pour, comme le dit le personnage principal du roman Le rabaissement, « regarder en face tout ce qui vous glace le sang ». C’est l’histoire d’un acteur dans la soixantaine qui tombe en rade. L’expression un peu datée peut être utilisée, nous dit l’IA, pour décrire une situation où quelque chose ne fonctionne pas correctement ou où une personne est dans une situation difficile. C’est exactement ce qui arrive à Simon Axler dans une version radicale : tout est fini pour lui, sa carrière, son talent, son couple, tout ce qui pouvait donner un sens à sa vie. Le thème peut paraitre déprimant en tant que pitch. Pourtant, la manière dont Roth en pleine possession de ses moyens creuse son sujet à travers des rencontres et des situations est jubilatoire. Cela s’appelle le style.

jeudi 20 février 2025

Regarder en face

 

A partir du moment où on accepte que c’est foutu, on se sent tout de suite mieux. Cela marche pour tout, la fin d’une amitié, d’une relation amoureuse, la sauvegarde de la biodiversité ou de la démocratie dans un pays où l’extrême droite est au pouvoir. Mais pour que ce soit efficace, il ne faut pas faire les choses à moitié en trempant le bout des doigts de pied dans le bain tiède de la lucidité. C’est ainsi. Il faut accepter de voir quand il est trop tard. Fini. Le bateau a commencé à couler depuis déjà un moment et au lieu d’écoper, il y en a qui ouvrent de grandes brèches à coups de hache.


mercredi 19 février 2025

Ceux qu'on revoit

 


Revu Mes petites amoureuses de Jean Eustache. Le film est sorti en 1974 et c’est l’un des premiers que je suis allé voir en salle lorsque je suis arrivé à Paris. Il m’avait fait un énorme effet. Le dépaysement du quartier latin a dû jouer, mais également la mise en scène, les silences, le jeu distancié des acteurs, Ingrid Caven, la lumière et les travelings. Et puis les souvenirs d’enfance à la campagne étaient encore récents. J'ai revu ce film plusieurs fois mais c’est la première fois que je le perçois sous son angle sociologique. Le film d’Eustache ne juge pas les adultes qui entourent le personnage principal, il fait sentir à travers des petites scènes qui sonnent juste la violence et la cruauté involontaire qui se dégage de ces individus dont la survie matérielle est difficile, leur hostilité envers la culture (« A quoi ça va te servir de faire des études ? »), leur mesquinerie, leur besoin de rabaisser les plus faibles (terrible scène avec Pialat). Heureusement, il y a les copains et surtout ces créatures étranges aux réactions imprévisibles : les filles.  


mardi 18 février 2025

Tentative de diversion


 J’ai l’impression de percevoir un petit coup de mou du côté des trumpo-muskiens français. Mais peut-être que je me trompe. Je les connais assez mal et toujours de très loin. Si jamais c’était le cas, alors il faut qu’ils se disent que c’était le prix à payer pour éradiquer (entre autres) la menace woke, l’écologie punitive, l’arnaque du climat*, la déconstruction du genre à l’école primaire, la dictature du politiquement correct, le terrorisme féministe et l’invasion des transsexuels. La violence des moyens employés est à la hauteur de la tâche, immense. Gageons que dans quelques années, lorsque la fumée se sera dissipée, on y verra plus clair.

* Plus de soucis avec le dérèglement climatique : toutes les données scientifiques sont en train d’être effacées.

L'illustration est de Bill Térébenthine

lundi 17 février 2025

1975 forever

 

Le surgissement à l'écran d’un personnage peut entrainer par résonnance des souvenirs adjacents. Le portail qui mène au point d’où partent les corridors du Passé s’est entrouvert. A vrai dire je regardais assez souvent par-dessus depuis le début de l’année (l’effet cinquantenaire, probablement). J’attendais qu’un évènement déclenche l’expédition en direction de l’année 1975. C’est fait.  J’ai 17 ans, depuis la rentrée j’ai quitté mon village au bord de la Marne pour venir habiter Paris.


samedi 15 février 2025

Le choc

 

A propos du temps, il y a pire que de voir son visage le matin dans le miroir de la salle de bain : tomber sur une photo d’un ami du lycée pas revu depuis. Il occupe maintenant une fonction honorifique qui l’amène à se faire prendre en photo serrant la main à un maire ou participant à des festivités collectives en costume cravate. On nous dit que c’est un retraité de 68 ans. Comment est-ce possible ?


vendredi 14 février 2025

Au carrefour du temps


 Il y a des physiciens qui assurent que le temps n’existe pas. S’il s’agit d’une illusion, alors elle terriblement tenace. On peut en revanche tenter de s’évader momentanément de ce présent pesant où, comme chantait Lou Reed, tous les politiciens émettent des cris insensés et tout le monde rabaisse tout le monde. Comment ? En suivant le mode d’emploi qui se trouve dans les écrits d’André Hardellet. Ce qui frappe en le lisant, c’est la précision de ses souvenirs d’enfance. « Les cris des martinets ou le choc étouffé du marteau chez le menuisier, j’en ressuscite quelquefois le timbre exact, à force de patience, dans ma nuit sourde, et cette vérité me frappe ; rien n’a disparu. » Cela ne marche à tous les coups et l’IA ne pourra pas vous aider. Il faut de la patience, beaucoup de patience. L’insomnie de trois-quatre heures du matin peut être un moment propice.

jeudi 13 février 2025

Les vérités momentanées


 Dans un article consacré aux multiples corrections apportées par Montaigne à ses Essais, Michel Jeanneret écrivait ceci : « Moins que l’énoncé, c’est donc l’acte d’énonciation qui compte et, moins que la chose racontée, le sujet qui, ici et maintenant, la raconte. Ce discours de l’immédiat est vrai par rapports à l’instant où il est proféré, mais sera peut-être faux demain, quand l’objet aura changé et que le je qui le garantit ne sera plus le même. D’où il découle que, pour demeurer véridique, le texte des Essais doit être constamment corrigé ou complété. » (Le Magazine littéraire, octobre 1992) 

mercredi 12 février 2025

Lourdes, lentes

 

Dans les premières pages du roman d’André Hardellet, l’auteur se met dans la bonne disposition pour se laisser aller à une rêverie sans frein. « Presque chaque soir, vers neuf heures, je prends un bouquin et m’allonge sur mon lit. Souvent, j’abandonne vite ma lecture ; commence alors l’étendue d’immobilité et de silence apparents où je découvre ma totale liberté. » Ces mots résonnent lorsqu’on sait à quoi va être confronté le poète qui s’apprête à célébrer la beauté du corps féminin dénudé et le miracle  du plaisir partagé. Le livre est publié sous un pseudonyme par mesure de précaution (Hardellet était conscient du caractère subversif de sa démarche de dévoilement). Hélas, il tombera entre les mains d’un ministre de l’intérieur particulièrement sensible aux provocations : le sinistre Marcellin qui fut également responsable de l’interdiction de Hara-Kiri hebdo. En 1972, lors d’un procès éprouvant, notre censeur obtiendra gain de cause par l’intermédiaire d’un juge zélé particulièrement agressif envers l’écrivain « coupable d’atteinte aux mœurs ». La légende raconte qu’André Hardellet fut très affecté par cet épisode judiciaire. Le fait est qu’il mourut peut de temps après. 

mardi 11 février 2025

Dialogue


 

‒ Si on n'a pas un bracelet électronique à 70 ans, on a raté sa vie.

‒ C’est un peu facile.

‒ Je sais.

‒ J’ai l’impression que cette condamnation te réjouit particulièrement.

‒ J’avoue. Tout m’a amusé dans ce procès. Et le message final destinés aux fans pour leur annoncer qu’il va se retirer de la vie médiatique est un chef-d’œuvre de comique involontaire.

‒ Tu continues, à ton âge, à avoir la même vision simpliste que tu avais à l'adolescence. Il y a d’un côté les gentils et de l’autre les méchants, ceux que tu apprécies et ceux que tu détestes.

‒ Je dirais plutôt qu’il y a ceux qui m’énervent. Cela peut se produire avec n’importe qui, en dehors des considérations politiques. Comme par exemple il y a cette Violette qui a gagné une course en bateau et qui est interrogée à la radio. Sa voix me tape sur les nerfs. Mais tu as raison. Arrivé à un certain âge, on doit pouvoir prendre les choses avec un minimum de recul. Violette joue son rôle de grande niaise fière de sa victoire dans le but satisfaire les médias et les sponsors. Chacun a ses raisons, ses mobiles, ses intérêts à défendre. Ainsi va le monde.

Ceci n’est pas un outil


 

C’est ce que nous dit Damasio dans un entretien sur notre relation avec l’IA. Il cite les propos qu’Ivan Illich a tenus à propos de l’informatique vers la fin de sa vie. « Cet ordinateur sur la table n’est pas un instrument. […] Un marteau, je peux le prendre ou le laisser. Le prendre ne me transforme pas en marteau. Le marteau reste un instrument de la personne, pas du système. Dans un système, l’utilisateur […], logiquement, c’est-à-dire en vertu de la logique du système, devient partie du système. » Une étape a encore été franchie avec l’IA selon Damasio. Il faut prendre ses marques dès maintenant. Trouver sa propre stratégie de cohabitation avec l’IA. Ce qui revient à se poser la question de la spécificité de l’humain en face d’une machine froide qui ingère et recrache des datas. Il nous reste le corps, les sensations, l’imagination. C’est probablement de ce côté que cela va se jouer.

lundi 10 février 2025

On n'arrête pas le progrès


 

Je lis dans le Nouvel Obs que les services d’IA générative ont fait le tour de « la connaissance humaine disponible et que "leurs concepteurs sont à court de données sur lesquelles les entraîner". Déjà ? Des choses vertigineuses et souvent inquiétantes parviennent à nos oreilles tous les jours mais là, on reste songeur. La connaissance humaine, ce n’était donc que ça ? Ou est-ce l’IA qui l’a avalée comme un goinfre avant de la recracher sans y insérer un poil de réflexion ou de création (ne parlons pas de poésie). Dans le monde qui arrive, les « données » sont un enjeu stratégique de première importance. C’est grâce à elles, nous dit-on, que se gagnerons ou se perdrons les guerres militaires, commerciales, culturelles. Autant dire qu’il va falloir faire attention à ce qui est diffusé. Les petits soldats de l’IA sont à l’affut, prêts à s’emparer de la moindre miette pour nourrir le Big Robot bouffeur de données. Il faudra prendre le temps de tirer les conclusions qui s’imposent une fois que le cerveau humain aura pris complètement conscience de cette... donnée.

 

samedi 8 février 2025

Entendu à la radio

 

Les automobilistes allemands qui roulent en Tesla (enfin ceux qui ne sont pas des admirateurs du nazi le plus riche du monde) collent à l’arrière de leur véhicule un autocollant qui fait un tabac et sur lequel on peut lire « Je l’avais achetée avant qu’Elon devienne fou ». J'ai vérifié sur Internet. L'article existe et il est accompagné de la mention "très demandé". Il n’existe pas de billet d’excuse pour ceux qui sont encore sur le réseau X.

 


vendredi 7 février 2025

Dialogue


 

‒ Bonjour monsieur, c’est pour un sondage.

‒ A quel sujet, le sondage ?

‒ Le sentiment de submersion migratoire. Le ressentez-vous un peu, beaucoup, pas du tout ?

‒ La réponse est oui. J’ai de plus en plus le sentiment d’être submergé.

‒ Merci beaucoup.

‒ Hep ! Attendez ! Je n’ai pas précisé ce qui provoque en moi ce sentiment de submersion. Et il ne s’agit pas du tout de la présence de populations exotiques venues d’ailleurs.

‒ Pardon ?

‒ J’ai le sentiment d’être submergé par les politiciens cyniques qui agitent des pulsions malsaines pour arriver au pouvoir, par les révisionnistes qui veulent en finir avec ce qu’ils appellent le politiquement correct qu’ils assimilent au fait de condamner l’extrême droite, par les réactionnaires qui s’affolent dès qu’on touche à la domination masculine, par les adeptes du déni climatiques qui réclament le droit de s’aveugler et de continuer à détruire la planète comme au bon vieux temps, par les admirateurs du nazi le plus riche du monde, par… 

‒ Merci beaucoup.

‒ Hep ! Attendez ! Ne partez pas ! Je n’ai pas fini. Je viens à peine de commencer !

‒ Excusez-nous. Nous devons interroger d’autres personnes. Bonne journée !

 

jeudi 6 février 2025

Vu


 

Walk the Line de James Mangold (2005)

Pas mal mais un peu long. Comme pour Un parfait inconnu, les passages musicaux sont chantés par l’acteur Joaquin Phoenix et c’est assez réussi. La preuve, on a envie d’écouter Johnny Cash après avoir vu le film. Accessoirement, j’ai inventé un jeu cette nuit. Imagine le biopic hollywoodien tiré de ta vie. Pas besoin d’écrire tout le scénario (sauf éventuellement en cas de nuit blanche). Demande toi seulement quelles scènes et extraits figureraient dans la bande annonce. Prévoir évidemment les chansons qui composent la bande originale.

mercredi 5 février 2025

Une enquête brumeuse

 



J’ai lu les trois quarts d'un roman de Simenon que j’ai choisi pour son titre. Il s’appelle Maigret et le voleur paresseux (1961). Je ne l’ai pas lâché de la journée sauf pour les repas et la promenade du chien. Il s’agit d’un Maigret assez mélancolique. Ils le sont tous, c’est vrai, mais celui-ci l’est particulièrement. Le commissaire est à deux ans de la retraite. Sa hiérarchie est composée de jeunes diplômés issus des bonnes familles qui traitent le vieux commissaire avec une condescendance polie. Ils sont, écrit Simenon, « en quête d’efficacité », pondant dans leur bureau « des plans mirifiques » qui se traduisent « chaque semaine, par de nouveaux règlements. »

mardi 4 février 2025

Un peu d'histoire


 

Dans une interview, David Lynch évoquait un souvenir d’enfance qui l’avait profondément marqué. La scène se passait dans une petite ville américaine des années 50. Le jeune Lynch jouait dans son jardin (son backyard) lorsqu’un copain tout excité a surgi en criant « Tu l’as raté ! ». « J’ai raté quoi ? » a demandé le jeune Lynch. Il s’agissait de la première apparition d’Elvis Presley dans le Ed Sullivan Show de 1956 qui a secoué toute l’Amérique ou presque. Comme il n’y avait pas de magnétoscopes à l'époque, Lynch a dû attendre les années 70 pour pouvoir voir enfin l’émission. Et il ajoute que c’était bien de devoir l’imaginer pendant tout ce temps.

lundi 3 février 2025

Fin et début

 

Sur un parking où j’attendais, j’ai lu les dernières pages de la Montagne magique. La guerre est déclarée. C’est la panique dans le sanatorium. Hans Castorp redescend dans le « pays d’en bas » pour y faire son devoir. On le retrouve avec son bataillon de jeunes soldats se lançant vers l’ennemi dans la boue et sous la mitraille. La description est précise, les détails terribles. Le narrateur nous confie que son personnage a très peu de chance d’en réchapper. C’est pourquoi il choisit de le quitter là et de laisser la suite dans le flou. A la fin d’un tel roman, qui vous a accompagné si longtemps, on reste un peu sonné. Et on se demande quoi lire après. J’ai ouvert Médecine générale de Cadiot mais je ne suis pas entré dans ce doux délire qui m’a semblé assez gratuit. Finalement, j’ai choisi le confort en commençant un Maigret.


samedi 1 février 2025

Pendant ce temps, sur la Montagne magique

 


On approche de la fin. Castorp est là-haut depuis sept ans. Il porte un bouc et, nous dit le narrateur, tend à se laisser en négligeant son apparence extérieure. Il faut que plus personne ne fait vraiment attention à lui. Il n’a plus de montre et évalue le passage du temps en cigares fumés. Il semble avoir atteint dans cet état de retrait et d’indifférence une forme de liberté que Thomas Mann décrit ainsi :

« On le laissait en paix, un peu comme un écolier qui jouit de ce privilège particulièrement amusant de n’être plus interrogé, de n’avoir plus rien à faire, parce qu’il est entendu qu’il doublera sa classe, et parce qu’on ne s’occupe plus de lui. Forme orgiaque de liberté, ajoutons-nous, en nous demandant à part nous-même s’il peut y avoir une liberté d’une autre forme et d’une autre espèce. »