G-0C9MFWP390 Le Carnet de Joe Legloseur

samedi 5 juillet 2025

Lecture d'été

 

Loin de moi l’idée de dire du mal de Frédéric Berthet. D’ailleurs, je ne veux, en règle générale, dire du mal d’aucun écrivain. Si on a besoin de passer ses nerfs, il y a assez de têtes à claques  du côté des politiciens (pour prendre un exemple au hasard). Les écrivains, eux, ne nuisent à personne. Tout juste leurs écrits peuvent-ils générer une forme d’ennui. Ce n’est jamais violent, on est généralement confortablement installé quand on lit. En fait, tout est de ma faute. Le passage sans transition de Bukowski à Berthet était une erreur. Le premier est un boxeur poids lourd. En comparaison, Paris-Berry de Berthet ne parait pas seulement léger ; il est terriblement inconsistant. Chaque texte est comme une bulle qu’on tente d’attraper et qui éclate en laissant derrière elle un vide gênant. Improviser sur le presque rien s’avère une entreprise périlleuse (j’en sais quelque chose). Et puis la légèreté forcée et l’insouciance feinte me rendent triste. Je vais le lire jusqu’au bout un peu comme on lirait une notice listant tous les pièges menaçant les textes courts.


vendredi 4 juillet 2025

Présentations


 Je ne suis pas un loser magnifique. Plutôt un raté au sens de celui qui n’a pas tenu ses promesses. A vingt ans, je voulais devenir un artiste plus ou moins célèbre. J’ai gagné un peu d’argent avec mes dessins mais jamais assez pour vivre correctement. J’étais une catastrophe en relations publiques. Au bout d’une dizaine d’années, je m’étais mis à dos à peu près tous les professionnels rencontrés. J’ai rangé mon carton à dessin et j’ai passé un concours d’enseignement. Après m’être fait virer de l’université (mon seul titre de gloire), j’ai végété une vingtaine d’années dans une ZEP à la dérive. J’étais dans mon élément. Bilan à la retraite : j’ai limité la casse ; je n’ai pas été renvoyé ; je ne suis pas devenu alcoolique ou accro aux cachetons. Mon ange gardien a fait ce qu’il a pu. Je lui suis reconnaissant ; ce n’était pas un boulot facile.

jeudi 3 juillet 2025

Vocabulaire

 

Intérechiant : Se dit d’une chose appartenant généralement au monde de la communication ou de la culture (les deux étant indiscernables). Un film, un livre, un article, une revue, etc. devrait nous intéresser ; il a toutes les qualités requises, il fait le plein des recommandations de la part de la critique éclairée et de bon goût. Pourtant, il ne suscite chez nous aucun intérêt intellectuel, aucun frisson esthétique en dépit de nos efforts et de notre « bonne volonté culturelle » (dixit Pierre Bourdieu).


mercredi 2 juillet 2025

POSITIF

 

Le problème avec les micros-trottoirs

où l’on interroge des vrais gens

sur la canicule

c’est qu’on ne sait jamais si

ils sont représentatifs

de la majorité

prête à s’adapter docilement

aux pire situations

sans jamais s’énerver

contre les responsable politiques

qui ne tiennent pas

leurs engagements

 pour ralentir

le changement climatique

ou bien si les entretiens ont été

soigneusement sélectionnés

pour faire passer un message

fataliste

c’est comme ça

faut s’adapter

c’est la faute à personne

et surtout

conservez la bonne humeur

mardi 1 juillet 2025

L'abri

 

Un peu d’air frais entre par le velux entrebâillé. Fats Domino chante en sourdine tandis que, dehors, la pluie tombe doucement. Le chien dort sur mes genoux. Il est calme, comme moi. Cela fait du bien d’être seul de temps en temps, à l’abri du feu des critiques (même justifiées). Je lis trop de romans et de poèmes ; je n’ai jamais d’idées pour occuper les loisirs. Tout cela est vrai. Je peux peut-être réussir à modifier certains paramètres. En attendant, j’ai besoin d’un abri sûr pour souffler et de rien d’autre.


lundi 30 juin 2025

Humour climatique

Ceci est une projection en 2050

 « Il y a toujours eu des vagues de chaleur. » J’entends d’ici les climato-négationnistes ricaner. Ils peuvent s’amuser sereinement : chaque été leur apportera avec certitude l’occasion d’afficher leur indépendance d’esprit, leur supériorité intellectuelle et leur méfiance éclairée vis-à-vis des scientifiques catastrophistes. Ils n’ont aucune raison de s’inquiéter. Leurs habitudes ne seront pas changées par des normes écologiques absurdement punitives. C’est vrai, un french Trump nous garantirait définitivement contre toute tentative visant à perturber la tradition ancestrale de la vague de chaleur et du barbecue sur la terrasse.

samedi 28 juin 2025

MEDITATION

 

Je suis assis par terre

dans le couloir

essayant de ne penser à rien

et n’y parvenant pas

je revois une photo

j’étais assis sur un muret

exactement dans la même position

jambes repliées

j’avais 16-17 ans

c’est très loin

je pense au temps écoulé

avec l’impression étrange

d’être à la fois

sur le muret ET dans le couloir

je suis perplexe

la séance est interrompue

je me lève

en me demandant

s’il s’agit

d’une illumination

vendredi 27 juin 2025

Esprit

Barbey par Nadar

 En 1850 Le Dessous de cartes d'une partie de whist parut en feuilleton, en trois parties, dans le journal La Mode — la Revue des deux Mondes l'ayant refusé (Wikipédia). Déjà à cette date, Barbey considérait l’art de la conversation, « cette fille expirante des aristocraties oisives », comme une chose du passé. Le salon d’une baronne pour laquelle le narrateur manifestait la plus grande admiration constituait le dernier refuge de l’Esprit. « C’est là que chaque soir, écrit l’auteur, jusqu’à ce qu’il se taise tout à fait, il chante divinement son chant du cygne. » Et Barbey précise un peu plus loin, pour décrire cet art de la causerie : « Rien n’y rappelle l’article du journal et le discours politique, ces deux moules si vulgaires de la pensée, au dix-neuvième siècle. »

jeudi 26 juin 2025

Vocabulaire


 A propos d’un politicien qui a quelques petits ennuis, je lis ceci : « une haut fonctionnaire a déposé, le 20 juin, une plainte avec constitution de partie civile pour prise illégale d’intérêts, harcèlement moral, favoritisme, détournement de fonds publics et concussion. » Je n’avais jamais fait attention au mot « concussion » qui sonne bizarrement au sein de cette énumération d’actes plus ou moins condamnables. S’agit-il d’une manière tordue d’installer son autorité, d'une forme de maladie psychiatrique, d’une perversion particulièrement vicelarde ? Rien de tout cela. Le mot désigne simplement la façon dont un fonctionnaire tente d’arrondir ses fins de mois en percevant des sommes qui ne sont pas dues. Et alors ? Rien. Il est toujours agréable d’enrichir son vocabulaire.