mercredi 25 juin 2025
Relecture
Allez savoir pourquoi, j’ai soudainement eu envie de relire un vieux bouquin de ce cher Bukowski. Pas un recueil de poèmes, plutôt la prose narrative. J’ai pensé à Women que j’avais emprunté dans une bibliothèque à l’époque où j’étais fauché. La question en arrière-plan était « N’aurions pas légèrement surestimé l’écrivain en raison de sa personnalité et la faiblesse de la concurrence ? » Le temps a passé, l’auteur nous a quitté ; c’est le bon moment pour une réévaluation. Verdict : ça tient plutôt bien la route. Le dosage entre détails réalistes et distance imprégnée d’humour fait passer cette succession de rencontres jamais parfaitement harmonieuse (c’est l’aspect réaliste) mais pas complètement nulles non plus (c’est la goutte d’optimisme). L’écriture est efficace. Les phrases coulent toute seules et vous entrainent à chaque page. Les scènes de disputes et de sexe sont répétitives, comme dans la vie. Elles évoquent parfois des souvenirs. Et puis je redécouvre à quel point Bukowski est un bon dialoguiste. Tout y est dans les scènes de couple : la jalousie, les enjeux de pouvoir, la tendresse qui se faufile à travers les sacs de sable, les souffrances accumulées, sans oublier le désir et les besoins corporels.
mardi 24 juin 2025
PARLER AVEC LES ARBRES
J’écoute le dernier Neil Young
c’est un bon disque
un de plus
peu importe qu’il ne nous
surprenne plus
depuis longtemps
ce que Dylan parvient à faire à
sa façon
l’important, c’est qu’il soit là
presque intact
comme Joan, Bruce
et quelques autres survivants
tant qu’ils seront là
nous aurons moins l’impression
qu’un film se déroule en arrière
et en vitesse accélérée
effaçant tout ce qui a précédé
pour restaurer ce qu’il y a eu de
pire
le vieux Neil est là
il tient bon
lundi 23 juin 2025
Citations de la semaine
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Bill Térébenthine |
Entendu en passant devant un poste radio : « Il y a une allergie du nationalisme à la façon dont l’exercice de l’intelligence peut le contester. » Lu dans un vieux manuel de méditation chinois, cette citation de Lao Tseu : « Celui qui parle au nom de la vertu ne la possède surement pas. » Et puis cette réplique de Hank dans Women : « Je ne peux pas arrêter d’écrire. C’est une forme de folie. »
dimanche 22 juin 2025
samedi 21 juin 2025
(Love Is Like a) Heat Wave
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Bill Térébenthine |
vendredi 20 juin 2025
Piano
Alfred Brendel est mort le 17 juin. Je lis la nécro. Quand il était petit garçon, nous dit-on, il entendait Hitler et Goebbels à la radio. « Cela m’a formé définitivement, avait-il confié au journal le Monde en 1993. Je me méfie de tous ceux qui croient détenir la vérité. » Et aussi ceci, qui nous rend le grand pianiste éminemment sympathique : « Tout chauvinisme me fait horreur. Je suis ravi d’avoir vécu comme j’ai vécu : sans patrie. » Pour en revenir à l'essentiel, je note ceci qui décrit parfaitement l’effet que produisent sur moi ses enregistrements : « J’ai toujours joué les œuvres avec lesquelles j’avais l’impression que l’on pouvait passer une vie. Celles qui émettent sans cesse une nouvelle énergie. Qui vous rajeunissent. » Une crème antirides pour l'âme.
jeudi 19 juin 2025
PROMENADE
Nous marchons le long de la plage
tout est comme dans un film de
bord de mer
la mer bleue scintille sous un
soleil éclatant
les filles en maillot de bain
sont jolies
les promeneurs âgés ont l’air de friqués
et tout là-haut sur la falaise
on peut voir d’immenses villas
modernistes
comme des bunkers dominant la mer
cette société est entièrement
organisée
autour des ultra-riches
pour qu’ils fassent fructifier le
mieux possible
leur capital
et que les autres
ceux qui les enrichissent
acceptent docilement cette
situation
outrageusement inégalitaire
solidement installée
qui perdurera probablement
jusqu’à la fin
mercredi 18 juin 2025
Sur Nabokov
A la fin d’un article consacré à Nabokov, Martin Amis écrit : « L’essence nabokovienne est d’une instabilité miraculeusement fertile : sans crier gare, les mots se détachent du quotidien et s’élancent comme des fusées dans un ciel nocturne, illuminant des verstes* cachées de désir et de terreur. * Il s’agit d’une unité de distance ancienne utilisée notamment en Russie.
Pour illustrer son propos, Amis cite
un passage de Lolita qui se passe de
commentaires. « Nous connûmes les
divers types de revendeur de voiture, le criminel réformé, le professeur à la
retraite et l’entrepreneur qui rate tout, chez les hommes ; et, chez les
femmes, la maternelle, celle qui joue à la grande dame et toutes les variations
de matrones. Parfois, les trains hurlaient dans la nuit monstrueusement chaude
et humide avec un écho déchirant et sinistre, mélangeant pouvoir et hystérie
dans un cri désespéré. »
mardi 17 juin 2025
Dialogue
— La manière que tu as de te
précipiter dans ton fauteuil dès que tu en as l’occasion pour te plonger dans
ton livre a quelque chose de désobligeant.
— Les
discours qui prétendent encourager la lecture sont des faux semblants. Les
lecteurs ont toujours dû se cacher pour s’adonner à leur plaisir.
— Pourrais-tu me dire ce qu’il y a de si captivant dans ce que tu lis en ce moment ?
— Je ne suis pas critique
littéraire mais je peux te lire un passage de ce roman de Nabokov. Nous sommes
près de la fin. Le narrateur a reçu un télégramme lui annonçant que Sebastian
Knight est sur le point de mourir. Il s’est précipité dans un train pour se rendre sur place, à la campagne.
Extrait : « Parmi les nuages beige, il y en avait un couleur chair,
et, dans le solitude tragique des champs dénudés, les plaques de neige en dégel
se coloraient d’un rose mat. Une route surgit et glissa durant une minute le
long du train, et juste avant qu’elle ne disparût à un tournant, on vit un
homme à bicyclette y zigzaguer parmi la neige et la fange et les flaques. Où
allait-il ? Qui était-il ? Personne ne le saura jamais. »
— Et ?
— Quand je tombe sur un passage
comme celui-ci, j’imagine Nabokov peaufinant sa description sur l’une de ses
fameuses fiches jusqu’à obtenir la clarté et la précision souhaitée. Je précise
que ce trajet en train est présenté par le narrateur comme particulièrement
pénible, le wagon est bondé, les voyageurs sentent mauvais et il craint
d’arriver trop tard à destination.
— Et si nous instaurions un
nouveau rituel. Tu me lirais de temps en temps un passage que tu as
particulièrement apprécié.
— Validé.
lundi 16 juin 2025
L’ALGORITHME
Sur mon téléphone
le moteur de recherche
me proposait divers liens
beaucoup d’entre eux
traitaient de sujets qui
m’intéressent
plus ou moins
les consulter devenait une
(mauvaise) habitude
l’algorithme m’avait piégé
j’étais enfermé dans sa boucle
l’addiction abrutissante me
guettait
mais soudain
sans raison apparente
cela a changé
je me retrouve maintenant
avec des liens
qui ne me donnent pas du tout
envie
de cliquer pour en savoir plus
ce qui libère du temps
pour finir de lire
La vraie vie de Sebastian Knight